Publié le 21 avril 2024

Bonne nouvelle pour la biodiversité marine ! Le gouvernement grec a annoncé l’interdiction du chalutage de fond dans toutes ses aires protégées d’ici 2030. Une première en Europe alors que cette méthode particulièrement destructrice reste omniprésente, notamment dans les eaux françaises sous protection.

La décision est “historique”. A l’occasion de la conférence internationale Our Ocean, qui s’est déroulée à Athènes du 15 au 17 avril dernier, la Grèce a annoncé l’interdiction en 2026 du chalutage de fond dans ses parcs nationaux. La mesure sera ensuite élargie à toutes les aires marines protégées (AMP) du pays d’ici 2030. Décriée depuis de nombreuses années, la pêche au chalut consiste à tracter un très large filet raclant les fonds marins. “Notre océan nous envoie littéralement des signaux de détresse. Il a été une source vitale de vie et de moyens de subsistance. En retour, nous n’avons pas été tendres avec lui”, exlique Kyriákos Mitsotákis, le Premier ministre grec.

Pour assurer une mise en œuvre “juste” de l’interdiction, qui devrait concerner environ 250 bateaux, la Grèce évoque l’instauration de mécanismes de compensation financés en partie par “une redevance sur les parcs éoliens en mer”. Au total, le pays prévoit de consacrer 780 millions d’euros à la protection des écosystèmes marins. L’enveloppe couvrira notamment la création dès 2024 de deux nouvelles AMP, portant à 32% la surface marine protégée du pays, soit l’objectif fixé par l’Union européenne d’ici 2030. La surveillance de l’ensemble de ces parcs nationaux sera par ailleurs renforcée avec l’appui de drones.

Le chalutage des zones protégées perdure

Accueilli avec enthousiasme, le plan d’action de la Grèce a au passage mis en lumière l’inaction de certains de ses voisins européens. “Tout le monde s’attendait à ce que la France, l’Allemagne ou l’Espagne prenne les devants. Le fait que la Grèce soutienne l’interdiction du chalutage de fond est surprenant mais tout à fait bienvenu”, déclare auprès du Guardian Nicolas Fournier, directeur de campagne au sein de l’ONG Oceana. Même son de cloche du côté de l’association Bloom, qui pointe du doigt le manque d’engagement de l’Hexagone sur la question du chalutage. “L’annonce de la Grèce met en lumière l’incurie impardonnable du gouvernement français, écrit Claire Nouvian, fondatrice de Bloom, sur le réseau X. Les attentes étaient fortes, mais au lieu de progresser dans le sens de la responsabilité climatique, la France régresse”.

Malgré les objectifs de protection affichés par l’Europe, les aires protégées sont encore fortement soumises au chalutage de fond. D’après un rapport publié par Bloom fin mars, 60% de la surface des AMP européennes ont été chalutées en 2023. L’intensité de la pêche y serait même plus forte qu’à l’extérieur des zones dites “protégées”. La France, notée parmi les mauvais élèves, abrite même l’AMP la plus touchée par le chalut de fond, avec plus de 200 000 heures de pêche dans le Talus du golfe de Gascogne l’année dernière. Un pratique aux conséquences désastreuses sur la biodiversité et le climat.

Le France s’oppose à une interdiction

Emissions de CO2, surexploitation des ressources de poissons, abrasion des fonds… La pêche au chalut arrive en tête des méthodes les plus destructrices selon plusieurs études. Pourtant, en mars 2023, Hervé Berville, le secrétaire d’État chargé de la Mer, réaffirmait son opposition à l’interdiction du chalutage dans les AMP. Une position que la France va même jusqu’à défendre auprès d’autres pays. Il y a quelques semaines, le Royaume-Uni annonçait son intention de bannir les chaluts britanniques et européens de treize de ses aires protégées s’étendant sur 4 000 km². En réaction, l’Hexagone a fermement protesté contre la mesure, au prétexte qu’elle pénaliserait les pêcheurs français.

Critiquée par les associations, la riposte du gouvernement pose question alors que le pays se prépare à accueillir en 2025 la conférence des Nations Unies sur les océans. Organisé conjointement avec le Costa Rica, l’événement devrait revenir sur les objectifs de protection des mers. Mais alors que pour l’heure, la problématique de la pêche au chalut ne semble pas en haut de l’agenda, la société civile ne relâche pas la pression. Soutenue par plus d’une centaine d’organisations, une coalition citoyenne appelant la France à “être exemplaire sur la protection de l’océan” a été lancée le 26 mars dernier. Elle réunit déjà plus de 35 000 citoyens.

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes