Publié le 25 février 2025

COP16, suite et fin ? Les Etats se retrouvent du 25 au 27 février à Rome pour poursuivre les négociations sur le financement de la biodiversité après un échec en Colombie en fin d’année dernière. Au cœur des débats, la création ou non d’un nouveau fonds dédié.

Quatre mois après avoir échoué à trouver un accord sur le sujet majeur du financement, les Etats parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB) se retrouvent à compter de ce mardi 25 février pour un second round de négociations lors de la COP16.2 qui se tient à Rome pour trois jours. En novembre dernier, les discussions avaient achoppé sur la création d’un nouveau fonds dédié à la biodiversité, réclamé avec force par les pays en développement, et notamment le Brésil et la RDC. Mais les pays développés s’y sont catégoriquement opposés en raison d’une potentielle “fragmentation de l’aide au développement”. La présidence colombienne avait alors tenté une proposition de consensus : lancer un “processus” de négociations pour parvenir à la COP17, en 2026 en Arménie, à la création d’un nouveau fonds Biodiversité, tout en élargissant la base des pays contributeurs. En vain.

Elle revient cette fois avec un nouveau texte de compromis soumis vendredi 21 février aux 196 pays signataires de la CBD. Celui-ci propose une réforme d’ici 2030 des flux financiers pour sauvegarder la nature à travers des mesures visant à “améliorer l’architecture mondiale actuelle du financement de la biodiversité“, notamment l’évaluation et la révision des “instruments existants” en vue de les “compléter“. Ces flux doivent atteindre 200 milliards par an d’ici 2030, dont 30 milliards de la part des pays riches. Et sur le sujet qui cristallise les tensions, au lieu d’acter le lancement d’un nouveau fonds à Rome, la note propose de “désigner ou d’établir un instrument mondial dédié, ou un ensemble d’instruments” devant être opérationnalisé d’ici la COP19 en 2030, et qu’“au moins un instrument financier” soit placé sous l’autorité de la Convention sur la diversité biologique, ce que réclament les pays en développement.

Prémisses d’un nouveau fonds ?

S’agit-il des prémisses d’un nouveau fonds, ce qui braquerait les pays riches, ou bien cet objectif peut-il être atteint par la réforme proposée des outils existants ? “En langage diplomatique, un nouvel instrument financier, ça veut dire un nouveau fonds. Donc c’est plutôt comme ça qu’on l’a compris”, réagit le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique, qui sera à Rome les 26 et 27 février. Or la France, comme les autres pays développés, s’opposent à la création d’un nouveau fonds dédié à la biodiversité.

On a déjà un certain nombre d’instruments qui existent. Il y a, par exemple, le Fonds mondial pour l’Environnement (GEF, en anglais) ou encore le Fonds-cadre mondial pour la biodiversité (GBFF, en anglais), qui avait été créé à Montréal il y a deux ans et qui commence déjà à faire ses preuves. On ne comprendrait pas l’utilité de créer un nouveau fonds, puisqu’il existe déjà beaucoup de fonds qui financent la biodiversité. On veut éviter une fragmentation excessive du paysage financier international, puisqu’on pense qu’en fait plus de fonds, in fine, ça voudra dire plus de bureaucratie, probablement, et moins de financement, finalement, pour ceux qui en ont le plus besoin”, poursuit cette source.

“Ce texte ne permet toujours pas de répondre à la question ‘où trouver les milliards’, mais il organise un travail multilatéral pour obtenir la réponse d’ici 2030”, réagit de façon plus nuancée Aleksandar Rankovic du groupe de réflexion Common Initiative auprès de l’AFP. Est-ce que ce sera suffisant pour les pays en développement qui demandent un nouveau fonds dédié à la biodiversité, à l’instar du Fonds climat, afin d’avoir un accès plus direct et facilité aux ressources ? Les propositions colombiennes sont “très contestées par les pays du Nord, mais plus ou moins acceptées par les pays du Sud”, estime Daniel Mukubi, négociateur de la République démocratique du Congo. Pour réussir, “il faut espérer qu’une alliance se forme entre des pays ayant une approche constructive”, estime Juliette Landry, du centre de recherches Iddri, citée par l’AFP.

Contexte défavorable

Le risque est que le blocage sur cette question ne prenne en otage les deux autres textes à l’agenda concernant les indicateurs de suivi du cadre mondial Kunming-Montréal et la préparation du bilan mondial qui doit se tenir à la COP17 en 2026. “Pour l’instant, il n’y a pas plus de raison qu’on aboutisse à Rome plutôt qu’à Cali“, craint Arnaud Gilles, du WWF France. Et “les signaux internationaux ne sont pas bons” : retour de Donald Trump, négociations enlisées sur un traité contre la pollution plastique et accord a minima sur l’aide financière climatique des pays riches à la COP29 de Bakou en novembre. “Certains pays, comme l’Arabie saoudite sur les énergies fossiles, sont dans une logique de torpillage en règle des ambitions climatiques et environnementales“, constate cet observateur. Cette COP16.2 se tient en effet dans un contexte difficile. La remise en cause du multilatéralisme est particulièrement défavorable à l’action en faveur de la biodiversité. Et cela s’en ressent sur les engagements des Etats.

Selon une nouvelle analyse de Carbon Brief et du Guardian publiée en amont de la COP16.2, plus de la moitié des pays du monde n’ont pas de plan pour atteindre l’un des objectifs phares de l’Accord de Kunling-Montréal adopté en 2022, qui vise à protéger 30% des terres et des mers d’ici 2030. Sur les 137 pays qui ont soumis un plan, 70 n’incluent pas de propositions visant à protéger 30% de leurs terres et de leurs mers, et 10 n’indiquent pas clairement s’ils comptent le faire ou non. 61 pays n’ont pas encore soumis de plan pour atteindre les objectifs. Alors que la diplomatie environnementale multiplie les échecs ces derniers mois, les pays réussiront-ils à inverser la tendance à Rome et à relancer l’ambition alors que 2025 marque les dix ans de l’Accord de Paris ?

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