KS Groupe (BTP), Energy Pool (gestion de l’énergie), C’est qui le Patron (agro-alimentaire)… Quel est le point commun entre ces ETI ? Elles ont annoncé ces derniers mois donner tout ou partie de leur capital à une “fondation actionnaire” ou un fonds de dotation. Ces exemples illustrent une tendance certes naissante, mais qui commence à faire des émules en France.
Certains dirigeants se dépossèdent de tout ou partie des titres de leur entreprise pour les confier à des structures d’intérêt général avec la volonté de repenser le modèle de distribution de richesse. En partageant la valeur créée par l’entreprise, ces patrons altruistes font le choix d’investir dans la pérennité de leur modèle économique et une croissance plus durable.
Distribuer les profits à des causes d’intérêt général
Côté grands groupes, le passage à l’acte est plus timide. Quelques rares entreprises commencent à redistribuer une partie de leur profit à des causes d’intérêt général. À l’instar de deux banques mutualistes dont le modèle de gouvernance se prête plus naturellement à ce type de décision. Le Crédit Mutuel Alliance Fédérale avec le dividende sociétal, s’est engagé à reverser chaque année 15% de son résultat net au financement de projets de transformation environnementale ou solidaire. Avec le dividende écologique, l’assureur Maif a annoncé reverser 10% de ses résultats à la lutte contre le réchauffement climatique et la régénération de la biodiversité.
Dans un autre registre, on peut citer l’association Dividendes Climat fondée notamment par l’Ademe et Team for the Planet. Le concept ? Au lieu de s’intéresser uniquement à l’impact négatif d’une entreprise sur le climat (mesuré par son bilan carbone), le dispositif cherche à valoriser sa contribution positive à la décarbonation de l’économie (émissions de GES évitées). Les dividendes climat demandés et émis par les entreprises sont ensuite distribués comme des dividendes financiers à leurs investisseurs.
Ces initiatives feront-elles des émules ? Une chose est sûre : si nous ne changeons pas ce qui se passe avec la circulation de l’argent, nous continuerons à développer une économie basée sur la croissance qui augmente un peu plus chaque jour les inégalités sociales et climatiques. Et si les entreprises se plaisent à raconter la manière dont elles ont atteint leurs objectifs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), elles continuent tout autant à engranger des profits records. Selon le dernier rapport annuel du gestionnaire d’actifs Janus Henderson, le versement de dividendes des entreprises cotées aux actionnaires à travers le monde atteindrait 1 730 milliards de dollars, en progression de plus de 4% sur un an, et de 8% en France.
Bouge ta boite !
Des montants records dont un pourcentage, même modeste, serait susceptible d’être alloué à des causes qui bénéficient à la société : éducation, santé publique, transition écologique, ou encore lutte contre la précarité. Cette somme pourrait être déterminée en fonction de la taille de l’entreprise, de son secteur d’activité et de sa rentabilité. Une telle mesure pourrait être encouragée par des incitations fiscales ou imposée par une législation ambitieuse.
Le changement attendu viendra-t-il des modèles d’entreprises engagées (société à mission, modèle ESS – économie sociale et solidaire-, B Corp, etc.) de l’engagement actionnarial ou des groupes de salariés activistes dans les organisations ? Regroupés notamment sous la bannière “Les collectifs” ou le syndicat le “Printemps écologique”, ces activistes d’un nouveau genre – lanceurs d’alerte, militants, syndicalistes – sont de près de 10 000 à se mobiliser dans plus de 300 entreprises (pour les collectifs notamment) pour tenter d’aligner le modèle d’affaires de leur employeur avec les limites planétaires et le plancher social.
Au-delà de cette mission certes louable, le combat à adresser pour ces collectifs de salariés serait de faire entendre davantage leur voix auprès des Conseils d’Administrations sur la nécessité de réconcilier activité économique et utilité collective. Car au final, la santé des entreprises est aussi intimement liée à l’environnement dans lequel elles évoluent. Passer d’une logique financière court-terme à une vision long terme et solidaire de la société, changer de trajectoire pour s’engager sur une économie centrée sur les besoins au même titre que les profits, parler de prospérité plus que de croissance, remettre la finance à sa juste place, c’est-à-dire au service de l’entreprise et non l’inverse, feront peut-être partie des nouvelles résolutions des décideurs engagés qui choisiront d’être animés par un objectif qui transcende l’intérêt personnel. Un objectif qui transforme les performances de l’entreprise au bénéfice des personnes, de la planète et du profit (à placer dans cet ordre !).