Publié le 22 août 2024

Mars a décidément un appétit de géant. Il vient de racheter Kellanova pour 35,2 milliards d’euros, une des plus grosses transactions de l’histoire mondiale de l’agroalimentaire. Plombé par la hausse des prix du cacao et par la tendance aux médicaments coupe-faim, il se diversifie dans le snack salé avec ce rachat. Mais à long terme, le salé n’est-il pas voué au même destin que le sucré ?

C’est un séisme dans le monde de l’agroalimentaire. Le 14 août, Mars, bien connu des amateurs de sucrerie avec ses marques comme M&M’s ou Snickers, a avalé son concurrent Kellanova, ex-Kellogg’s. Ce dernier est spécialisé dans les snacks, il détient notamment les marques Pringle’s et crackers Cheez-It. Ce mariage des géants est l’une des plus importantes fusions de l’histoire de l’agroalimentaire avec une vente à 35,9 milliards de dollars soit 35,2 milliards d’euros. A eux deux, leur chiffre d’affaires monte à 63 milliards de dollars et Mars entre ainsi dans le Top5 des plus grandes sociétés de l’agroalimentaire derrière Unilever, Nestlé et Pepsico.

Si Mars a cassé sa tirelire, c’est pour diversifier son portefeuille. Car le chocolatier fait face à un contexte tendu. Les médicaments coupe-faim et sa star, l’Ozempic, viennent bousculer le marché des sucreries. Plusieurs stars, dont le très controversé patron de Twitter et fondateur de Tesla, Elon Musk, en ont vanté ses mérites sur les réseaux sociaux. L’effet “coupe-faim” de ces médicaments, qui ralentit la vidange gastrique, lui aurait ainsi fait perdre 13 kg. Face à la déferlante Ozempic, le distributeur Walmart avait prévenu en novembre 2023 avoir identifié un changement de comportements chez les consommateurs.

Un changement de comportement alimentaire

Et de fait, les géants de la confiserie ont vu leurs ventes chuter. Mondelez, Hershey ou encore Lindt enregistrent une baisse de leurs ventes en volume. Pour adoucir l’atterrissage, ils ont tous fait le même choix : augmenter leurs prix. Bien que Mars n’ait pas publié ses chiffres de ventes -non-cotée en Bourse, Mars est une entreprise familiale très opaque- le groupe a appliqué la même démarche que ses concurrents. Tous enregistrent ainsi des résultats en trompe-l’œil.

Aux médicaments coupe-faim s’ajoute un autre facteur : le prix du cacao. Ce dernier a progressivement augmenté passant de 2 500 dollars la tonne début 2023 à la Bourse de New York, à 7 000 dollars en février pour atteindre son apogée à la mi-avril où le cacao s’échangeait à 11 720 dollars la tonne ! En cause, la crise climatique qui a affecté les récoltes dans les pays producteurs notamment en Côte d’Ivoire et au Ghana (70% de la production mondiale à eux deux) qui ont subi des pluies torrentielles. Face à ces baisses de rendement, la spéculation des marchés a fait grimper le prix du cacao.

Le salé, une croissance à court terme

Mars, géant du chocolat, a ainsi décidé de diversifier son offre pour être moins vulnérable. D’autant que l’univers des sucreries est le plus ciblé par les autorités en lutte contre la junk food. Et les utilisateurs des médicaments amaigrissants y sont sensibles : selon une étude de Morgan Stanley, 75% d’entre eux ont réduit ou arrêté leur consommation de sucreries. Quoi de mieux donc que se tourner vers le salé, moins pointé du doigt et en bonne forme. Selon le cabinet Citi, cité par le Financial Times, les snacks salés ont enregistré la croissance la plus rapide avec un +5,8% entre 2010 et 2023. De quoi faire saliver Mars, au ralenti.

“C’est une façon pour eux (Mars, NDR) de devenir un acteur majeur dans toute la catégorie des snacks plutôt que simplement dans un segment de celle-ci”, a déclaré à Fortune Braden Douglas, fondateur et PDG de l’agence de marketing Crew Marketing Partners. Mais attention à la vision à court terme. Car les prévisions ne sont pas vraiment bonnes. La croissance des snacks salés a considérablement ralenti cette année, dans un contexte inflationniste fort. Et si le sel a été jusqu’ici quelque peu épargné des campagnes publiques de sensibilisation, les associations spécialisées ne s’y trompent pas.

Une concentration au détriment des consommateurs

“Alors que les géants de l’alimentation industrielle sont sur le point d’accroître leurs profits grâce à leur domination sur le marché des snacks, le consommateur américain sera perdant, avec des coûts plus élevés et moins d’options saines”, dénonce ainsi dans le média Food Ingredients First, Amanda Starbuck, directrice de recherche chez Food & Water Watch. “Un nombre de plus en plus réduit de grandes entreprises contrôlent une part croissante des aliments que nous achetons, ce qui place les décisions concernant notre santé et nos finances entre les mains de barons de l’industrie. Nous devons inverser cette tendance.”

Les autorités de la concurrence doivent justement se pencher sur ce mariage. Paul Weihrauch, le PDG de Mars s’est dit serein. “Nous sommes très complémentaires”, a-t-il justifié. “Nous sommes une chocolaterie, et une chocolaterie ne peut faire des Pringles”, a-t-il résumé. Le rachat ne devrait pas être finalisé avant le premier semestre 2025.

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