C’est la très sérieuse Cour des Comptes qui l’affirme : la crise climatique va plomber les finances publiques françaises. Dans son rapport annuel sur la situation des finances publiques du pays, l’institution a décidé de dédier l’un des quatre chapitres à l’impact de la crise climatique afin d’évaluer les coûts liés à la crise climatique et les investissements publics nécessaires à la transition, qui pourraient creuser le déficit.
Résultat, selon l’analyse de la Cour des Comptes, le rapport entre la dette française et le PIB pourrait être supérieur de 7,5 points en 2030 à cause de la crise climatique et des coûts nécessaires à la transition. Alors que la dette est plus que jamais au cœur des débats politiques et économiques, c’est une alerte essentielle lancée par les magistrats de la Cour, qui invitent également à “tempérer” l’idée d’une “croissance verte” capable de concilier transition écologique et poursuite de la croissance économique.
Aléas climatiques, canicules : un coût pour les finances publiques
Dans le détail, la liste de ces impacts est longue. Les aléas climatiques et les canicules devraient engendrer des pertes de productivité, en entraînant une multiplication des arrêts de travail, des ralentissements d’activité dans certains secteurs… Alors que les canicules viennent officiellement d’être reconnues comme une cause de chômage technique dans le secteur du BTP, le problème touche de nombreux autres secteurs, notamment industriels et agricoles. Les événements climatiques extrêmes, en hausse, vont également affecter le fonctionnement des infrastructures et avoir des conséquences très fortes sur les rendements agricoles, avec un impact durable sur la croissance. Sans compter les conséquences sanitaires diverses sur les populations, alors que “la hausse des températures et de l’humidité est également susceptible d’accroître la diffusion des maladies infectieuses et tropicales” selon la Cour des Comptes.
“Les dépenses nécessaires à l’adaptation à un monde plus chaud risquent en outre de se substituer à des investissements plus immédiatement productifs”, explique le rapport, dans un contexte de probable austérité budgétaire où les arbitrages seront certainement difficiles. Mises bout à bout, ces dégradations de l’activité économique constituent ce que la Cour appelle un “choc d’offre négatif majeur”, qui aura un impact négatif significatif sur les recettes fiscales de l’Etat. Conséquence : moins d’impôts et taxes, et plus de dépenses publiques d’adaptation, de résilience ou de santé et donc un déficit qui devrait se creuser à cause de la crise climatique. A ces coûts, il faut ajouter les coûts déjà engagés pour la transition énergétique, et les coûts supplémentaires à venir pour respecter nos engagements climatiques, qui seront probablement financés en grande partie par l’argent public, ainsi que les baisses de recettes fiscales liées à la sortie des énergies fossiles.
Mieux anticiper l’impact financier de la crise climatique
Comment éviter qu’un dérapage budgétaire s’ajoute au dérapage climatique ? Sur ce point, la Cour des Comptes mentionne le levier de la taxe carbone, qui devrait en théorie permettre d’engendrer de nouvelles recettes pour l’Etat, tout en accélérant la transition vers une économie bas carbone. Quant à la baisse des dépenses publiques en matière climatique, un récent rapport de l’Institute for Climate Economics vient tout juste de montrer qu’elle ne serait envisageable que de manière limitée si la France souhaite atteindre ses objectifs climatiques. Resterait donc à trouver d’autres manières de financer les dépenses publiques liées à la transition, par exemple via de nouvelles mesures fiscales (ISF climatique, taxes sur les transitions financières, taxes sur les super-profits…) ou via des ajustements monétaires, comme le proposent certains économistes.
Quoi qu’il en soit, les magistrats du Palais Cambon appellent les gestionnaires publics à mieux intégrer les impacts climatiques dans les prévisions économiques, financières et budgétaires de l’Etat et des collectivités. “L’impact négatif du réchauffement climatique et de la transition énergétique, dont l’ampleur est également incertaine, n’est pas pris en compte dans le programme de stabilité, alors qu’il peut avoir un impact significatif sur la trajectoire de finances publiques et en particulier sur l’évolution de la dette” conclut ainsi le rapport. A cette fin, l’institution devrait publier l’année prochaine un rapport complet sur les impacts financiers de la crise climatique.