Publié le 11 mai 2024

Dans l’archipel des Canaries, des milliers d’habitants sont descendus dans la rue pour protester contre le tourisme de masse. Inquiets des conséquences de la surfréquentation de leurs îles, des militants ont même entamé une grève de la faim.

“Le tourisme augmente mon loyer”, “stop aux méga-travaux” ou encore “ce n’est pas de la sécheresse, c’est du pillage” : le 20 avril dernier, slogans et pancartes ont fleuri aux quatre coins de l’archipel des Canaries. A l’occasion d’une mobilisation “historique”, des milliers de citoyens espagnols ont défilé pour dénoncer les conséquences sociales et écologiques du tourisme de masse.

“Nous ne sommes pas contre le tourisme. Nous demandons simplement qu’ils changent le modèle actuel, qui permet une croissance illimitée du tourisme”, a déclaré à la télévision publique espagnole TVE l’une des manifestantes, Rosario Correo. Organisée à l’appel d’une vingtaine d’associations, la manifestation a réuni entre 57 000 et 100 000 personnes rapporte le quotidien El País. Quelques jours auparavant, six militants du collectif “Canarias se agota”, soit “Les Canaries s’épuisent” en français, entamaient une grève de la faim illimitée afin de mettre la pression sur les autorités.

16 millions de visiteurs

Leur objectif : obtenir l’arrêt de la construction de deux complexes hôteliers à Tenerife, principale île de l’archipel, et une meilleure prise en compte des habitants et de l’environnement face à un “développement suicide” du tourisme. Plus largement, le mouvement réclame la mise en place d’une taxe écologique versée par les visiteurs, la tenue d’un moratoire sur le tourisme ainsi que l’instauration d’une réglementation garantissant l’accès au logement des habitants locaux.

Prisées pour ses paysages volcaniques et son ensoleillement constant, les Canaries ont reçu en 2023 16 millions de visiteurs, soit sept fois plus que ses 2,2 millions d’habitants. Un chiffre extrêmement élevé au vu des ressources locales, a déploré Victor Martin, porte-parole de “Canarias se agota”, lors d’un point presse. La situation rencontrée à Ténérife en est un bon exemple. Alors que les zones touristiques exercent une forte pression sur ses nappes phréatiques, l’île a dû déclarer il y a quelques semaines l’état d’urgence suite à de graves pénuries d’eau.

Une situation qui n’est pas sans rappeler la crise traversée par la Catalogne et sa capitale, Barcelone. Les autorités locales, également contraintes de prendre des mesures de restriction face à une sécheresse historique, sont accusées de laxisme envers les établissements touristiques comme les hôtels avec piscines de la Costa Brava. Confrontée depuis plus d’une décennie aux impacts du tourisme de masse, Barcelone est d’ailleurs le berceau d’une importante mobilisation qui semble aujourd’hui s’étendre à toutes les régions.

Autocollants et faux panneaux

Plusieurs mouvements hostiles au surtourisme ont en effet récemment émergé dans le pays, qui a accueilli le chiffre record de 85 millions de visiteurs étrangers en 2023. A Málaga, des autocollants “anti-touristes” sont apparus sur les portes des locations touristiques. Aux Baléares, des militants ont installé de faux panneaux à l’entrée de certaines plages faisant état, en anglais, de risques de “chute de pierres” ou de piqûres de “méduses dangereuses”, afin de faire fuir les visiteurs.

La colère des Espagnols n’est cependant pas isolée. En août 2023, les habitants d’Hallstatt, en Autriche, ont eux-aussi foulé le pavé pour protester contre l’explosion du nombre de touristes. La commune, rendue connue par une série sud-coréenne, voit sa population multipliée par quatorze en haute saison. A Paros, une île de l’archipel grecque des Cyclades, des citoyens rassemblés au sein du “mouvement des serviettes” manifestent quant à eux depuis l’été dernier contre la privatisation des plages publiques. Des griefs qui pourraient se multiplier à l’avenir : en 2024, les chiffres mondiaux du tourisme devraient surpasser les niveaux pré-pandémiques.

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