Publié le 13 juin 2024

Entre incertitude et apathie, le milieu économique réagit de manière très prudente à la dissolution de l’Assemblée nationale et la possible prise de pouvoir du Rassemblement national. Seuls les entrepreneurs les plus engagés tentent de lancer un mouvement anti-extrême droite.

“Désolée, je passe mon tour”, “Je ne souhaite pas communiquer sur le plan professionnel”, “Je ne prends pas la parole sur ces sujets”. Voici un échantillon de réponses que Novethic a reçu en cherchant des témoignages de patrons pour réagir à l’annonce de dissolution de l’Assemblée nationale. C’est dire la frilosité du monde économique à se positionner dans ces élections législatives surprises dont l’issue pourrait être l’accès au pouvoir, pour la première fois, du Rassemblement national.

Alors que mardi 11 juin au matin les grandes organisations patronales comme le Medef, ne s’étaient toujours pas positionnées, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie a appelé le “monde économique” à “se mouiller”. Dans l’après-midi, l’organisation patronale est enfin sortie de sa réserve. Dans un communiqué, très prudent, elle a rappelé ses lignes directrices, à savoir son europhilie (“La France doit s’inscrire fortement dans le jeu européen”) et son besoin de stabilité économique. La veille, la CPME avait elle aussi dévoilé ses priorités considérant comme essentiel de “continuer la décarbonation de notre économie et de persévérer sur la voie de la transition énergétique” tout en “adaptant le calendrier et la mise en œuvre”.

Initialement, le Medef, la CPME, et l’U2P (Union des entreprises de proximité) devaient, dès le lundi 10 juin, publier un communiqué commun. Mais les organisations syndicales ne sont pas des partis politiques, glisse un proche du Medef. “Les incantations ou les déclarations comme nous demande de les faire Bruno Le Maire, ça ne marche pas, c’est contre-productif”, a ainsi déclaré sur RMC le patron de l’U2P, Michel Picon. “Nous sommes des acteurs économiques qui ne faisons pas de politique”, défend auprès de l’AFP Thierry Cotillard, patron des Mousquetaires/Intermarché.

“L’entreprise est politique”

Pour d’autres, il s’agit aussi de garder la tête froide. “Le message, c’est : “D’abord, pas de panique, ce n’est pas fait!””, soulignait lundi à l’AFP la direction d’un poids lourd du CAC 40, ajoutant : “Tout le monde veut renverser la table mais, une fois au pouvoir, les responsabilités, ça responsabilise !”. Un relativisme loin d’être partagé, surtout chez les entrepreneurs les plus engagés. Si, officiellement, il semble encore difficile pour certains de prendre position, notamment en raison des conséquences sur leur réputation et la peur de se faire fermer des portes, officieusement, le message est clair : “le chaos ne doit pas être une option”.

“L’entreprise est politique, il faut que les entrepreneurs sortent du silence et prennent leur responsabilité”, appelle Thomas Burbidge, auteur du podcast Young, Wild and Freelance. “Le business as usual doit cesser. Le moment est trop important. Le risque trop grand”, écrit-il dans un post Linkedin. Pour fédérer et lancer un grand mouvement, il a écrit une tribune, cosignée par plusieurs chefs d’entreprises appelant les entrepreneurs à sortir “de leurs postures historiquement dépolitisées et silencieuses”.

L’extrême droite, un “déclin économique”

Parmi les premiers signataires, Laura Besson, fondatrice de Bien dans ta boîte, Alexandre Dana, co-fondateur de Live Mentor ou encore Marine Alari, fondatrice de Le Kocon. A l’heure où nous écrivons cet article, la liste des signataires ne cesse d’augmenter et la tribune devrait être prochainement diffusée dans un média. L’enjeu est aussi de rassurer celles et ceux qui n’osent pas parler en leur proposant des clés pour construire leur argumentaire. Une table ronde “Entreprendre, c’est politique”, sera ainsi organisée le 24 juin sur le sujet.

Le 12 juin, c’est le Mouvement impact France, représentant des entreprises comme la Maif, Yuka, 1083, make.sense, Lita.co, Bayard, Phenix, Biocoop, Crédit Mutuel, Nature et découvertes, LeBonCoin ou encore La Poste qui a pris position, exprimant, dans un communiqué, son “inquiétude quant aux conséquences d’une éventuelle victoire de l’extrême droite”. Le mouvement liste les reculs environnementaux (arrêt du développement des énergies renouvelables et blocage des investissements dans la transition écologique contenus dans le Pacte Vert) et dénonce un “danger imminent pour notre économie et notre démocratie”. Sera-t-il suivi ?

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