Publié le 16 juillet 2024

Le gendarme de l’audiovisuel, l’Arcom, est en train de passer au crible les candidatures de plusieurs médias dont l’autorisation de diffusion arrive à échéance. Parmi eux, CNews et C8, qui multiplient les amendes et sanctions. L’Arcom osera t-elle priver la première chaîne d’info en continu de France de sa fréquence TNT ?

“Pas de fréquence pour les chaînes de la haine”, “Débranchez CNews et C8”, “Désarmez Bolloré !” Depuis hier, lundi 15 juillet, date à laquelle la chaîne CNews a été interrogée par l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, les appels à stopper la chaine d’info en continu se multiplient. Il faut dire que l’enjeu est important. Les autorisations de diffusion de quinze services de télévision dont CNews, LCI, BFM TV, TMC et C8, arrivent à échéance en 2025 et l’Arcom doit décider d’ici la fin du mois s’il les renouvelle ou pas.

Pour trancher, le gendarme de l’audiovisuel s’appuie sur plusieurs critères issus de la loi sur l’audiovisuel de 1986. Il prend en considération l’expérience du candidat, le financement, les participations détenues pour éviter tout monopole ou encore le caractère pluraliste du projet. Il est plus spécifiquement indiqué que l’Arcom tient compte “pour les services dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires (…)”. 

Une ribambelle de manquements

Or CNews fait figure de très mauvais élève en la matière. Rien que la semaine dernière, la chaine a écopé de deux amendes de l’Arcom d’un montant total de 80 000 euros pour “manquements” à ses obligations. La première sanction était motivée par un débat dans lequel deux invités avaient indiqué que “l’immigration tue” sans aucune contradiction. La deuxième concerne l’environnement. C’est d’ailleurs la première fois qu’une chaîne était condamnée pour climatoscepticisme en France. “Le réchauffement climatique anthropique est un mensonge, une escroquerie”, avait indiqué l’économiste Philippe Herlin, soutien du candidat d’extrême droite Eric Zemmour lors de la campagne présidentielle de 2022. Là aussi, aucune contradiction n’avait été émise. Et ce n’est pas la première fois que CNews subit les remontrances de l’Arcom.

“Les Français ont particulièrement besoin d’être informés de manière honnête et rigoureuse”, a souligné Hervé Godechot, un des conseillers de l’Arcom qui interrogeait les dirigeants de la chaîne. Depuis des années, la chaîne en continu du groupe Canal +, propriété de Vincent Bolloré, multiplie les sanctions. 200 000 euros pour des propos tenus par Eric Zemmour, même somme en mars 2021 pour incitation à la haine du chroniqueur, temps de parole d’un candidat RN non décompté, fausses infographies, propos discriminatoires… la liste est longue. C8 est aussi dans le viseur avec l’émission “Touche pas à mon poste” de Cyril Hanouna qui a elle aussi été condamnée à de multiples reprises.

Des promesses de respect du pluralisme

“Il y a eu “quelques dérapages, inconvénients” mais “nous cherchons à y remédier avec une organisation qui permet de bétonner nos informations”, a assuré Serge Nedjar, directeur général de CNews, lors de son audition par l’Arcom. “Nous allons mettre en place une direction du pluralisme”, avec l’embauche de “4-5 personnes”, a renchéri Gérald-Brice Viret, directeur général de Canal+ France. Cette dernière annonce découle d’une décision du Conseil d’Etat mi-février, qui a exigé que l’Arcom renforce son contrôle du pluralisme sur CNews et, au-delà, sur les télés et radios. La plus haute juridiction administrative avait été saisie par Reporters sans frontières, qui estimait que la chaîne d’info était devenue “un média d’opinion”.

L’Arcom communiquera à la fin du mois de juillet le nom des chaînes retenues. Étant donné les très fortes audiences de CNews, devenue la première chaine d’information devant BFM TV, il semble compliqué de ne pas renouveler sa fréquence. Mais d’autres moyens existent, comme l’explique Libération. L’Arcom peut muscler les conventions de CNews en l’obligeant par exemple à diffuser des reportages ou journaux d’informations plutôt que du débat en continu. Elle peut également introduire une période probatoire.

Un modèle économique à prouver

En attendant, le modèle économique de CNews, mais surtout de C8 est questionné. Le média L’informé a ainsi calculé que C8 avait perdu 368 millions d’euros depuis 8 ans en raison notamment de l’âge assez reculé des téléspectateurs de la chaîne (61,2 ans). Une cible “moins intéressante pour les annonceurs”.

On peut également noter que depuis quelques années, C8 et CNews font l’objet d’une campagne de boycott mené par le collectif Sleeping Giants qui a parfois porté ses fruits. Leclerc, Maaf, Maif, Groupama, Monabanq, Ferrero… avaient par exemple retiré leur publicité de l’émission “Face à l’info” avec Éric Zemmour sur CNews après avoir été interpellés par le collectif. Le but est clair : taper aux portefeuilles de ces sites qui vont à l’encontre de valeurs qu’ils jugent universelles tels que les droits humains, la tolérance, l’égalité, le respect, ou encore le droit à une information fiable et vérifiée.

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