La prochaine grande controverse d'EDF et TotalEnergies aura-t-elle lieu au Mozambique ? Le projet de barrage hydro-électrique de Mphanda Nkuwa, dans lequel les deux entreprises sont parties prenantes pourrait en tout cas devenir un cas d'école pour la responsabilité des multinationales en matière sociale et environnementale. Présenté par ses défenseurs comme un pilier de la transition énergétique en Afrique australe, ce projet de barrage de 1 500 mégawatts sur le fleuve Zambèze est pourtant accusé de bafouer les droits fondamentaux des communautés locales et de menacer des milliers de vies et des milliers d'hectares d'écosystèmes.
Les associations locales, ainsi que le CCFD Terre Solidaire pointent ainsi le manque de consultation des populations locales, et le risque de déplacements forcés en plus des impacts environnementaux massifs, mal évalués dans les études d'impact. A terme, la responsabilité des deux multinationales françaises pourrait bien être engagée, notamment au titre de leurs obligations liées au devoir de vigilance en matière sociale et environnementale.
350 000 personnes affectées
Au total, ce sont près de 350 000 personnes qui seraient potentiellement affectées par la construction de ce barrage géant, dont le coût est estimé à près de 5,5 milliards d'euros. Parmi elles, plus de 8 000 personnes devraient être déplacées pour permettre la mise en eau de quasiment 100 km² de terres, destinées à remplir le réservoir du barrage. En aval du barrage, les écosystèmes et les terres agricoles pourraient être durablement dégradées, empêchant des dizaines de milliers de personnes de pratiquer l'agriculture, la pêche ou l'élevage, qui sont leurs sources de revenu et de subsistance et provoquant une véritable disruption des dynamiques socio-économiques locales. "Notre survie dépend de cette terre, de l'agriculture. Si nous partons d'ici, nous ne retrouverons pas cette vie", résume une habitante de la région, Rosa Samuele.
Face à ces risques sociaux et environnementaux, les associations locales pointent les lacunes des études d'impact menées par les gestionnaires du projet, mais aussi les lacunes des consultations avec les populations locales, marquées par les pressions sur les populations ou la violation des droits. Selon une évaluation menée par le cabinet de conseil TMP Public a révélé que les risques sociaux et environnementaux associés au projet pourraient entraîner des pertes financières de 1,3 milliard de dollars, en raison notamment des retards et des dépassements de coûts engendrés.
Des entreprises déjà visées par des plaintes en justice pour défaut de vigilance
Elles mettent aussi en cause la responsabilité des deux énergéticiens français, accusés de ne pas avoir mis en œuvre les moyens suffisants pour identifier et surtout réduire ces violations. "Ce projet devrait être annulé, du moins jusqu’à ce que ces enjeux sociaux et environnementaux soient correctement pris en compte" explique le CCFD Terre Solidaire, arguant que la responsabilité juridique des deux groupes français pourrait être mise en cause.
Contactées pour réagir, EDF et TotalEnergies expliquent que les études d'impact sur le projet de Mphanda Nkuwa sont anciennes, et que "de nouvelles études ont été lancées pour mieux évaluer les risques". Toujours en cours, ces études devraient être publiées prochainement et continuer à alimenter le débat.
En attendant, TotalEnergies et EDF sont déjà toutes les deux sous le coup de plaintes en justice concernant leur devoir de vigilance. EDF est ainsi assigné pour ne pas avoir correctement anticipé et prévenu le risque d'atteintes aux droits humains dans le cadre d'un projet éolien au Mexique. TotalEnergies a quant à lui été mis en cause pour défaut de vigilance climatique. Deux plaintes jugées recevables par la Cour d'appel de Paris en juin 2024.
Devoir de vigilance : TotalEnergies face à son premier procès climatique




