Publié le 2 mai 2024

Les manifestations étudiantes de soutien à Gaza et à la Palestine à Sciences Po, la Sorbonne et ailleurs s’inscrivent dans un mouvement global où les universités américaines jouent un rôle clef, de la suppression des “sweatshop” dans les usines du monde en passant, plus récemment, par l’exclusion des énergies fossiles. Retour sur ces combats dont l’égérie mondiale est l’essayiste Naomi Klein.

Les étudiants français qui occupent les instituts d’études politiques et les universités en soutien à la population de Gaza, bombardée et privée d’aide alimentaire depuis sept mois par Israël, se solidarisent d’un mouvement international né dans les universités américaines qui prend de l’ampleur.

Aujourd’hui les étudiants s’engagent pour la cause palestinienne tout en continuant le combat pour le climat contre les énergies fossiles mais il y a vingt ans les étudiants des campus américains se battaient contre les sweatshop (usines à sueur) aux salaires indécents d’Asie du Sud-Est. Ils refusaient les sweatshirts emblématiques d’universités parce qu’ils étaient fabriqués dans ces usines où régnaient des conditions de travail esclavagistes. Naomi Klein avec son essai No Logo, paru en 1999 et traduit en 22 langues, a donné une ampleur internationale à ce mouvement de respect des droits humains dans les chaines de sous-traitance dont le devoir de vigilance européen est un aboutissement.

Lien entre le mouvement altermondialiste et la défense de la population gazaouie

Devenu l’emblème de l’altermondialisation (concept disparu des radars médiatiques), son autrice incarne aujourd’hui la résistance au soutien inconditionnel d’Israël du gouvernement américain. Elle fait sien les mots de la lettre ouverte écrite par les étudiants au président de l’Université de Columbia, Minouche Shafik, après l’intervention des forces de l’ordre pour évacuer l’université. “Vous ne protégez personne, si ce n’est les intérêts de vos donateurs, de vos administrateurs et des financements de votre université”.

 

Mais Naomi Klein a surtout publié un texte qui a circulé via les réseaux sociaux analysant le soutien massif des gouvernements des pays occidentaux à Israël, intitulé “Le Dôme de fer est global tout comme la résistance”. Elle y décrit ce que le dôme de fer symbolise pour elle : “un mythe, celui de la sécurité d’un faible nombre d’humains bénéficiant de tout l’arsenal technologique et militaire contre les agressions du plus grand nombre, privé de tous bénéfices d’un modèle qu’aucun d’entre eux ne veut remettre en cause.” Elle fait ainsi le lien entre le mouvement altermondialiste et la défense de la population gazaouie. Pour Naomi Klein, il s’agit ainsi de combattre le “capitalisme, basé sur l’idée d’une croissance sans limites, colonialiste, militariste et défendue par des représentants blancs d’un patriarcat assumé“. Elle explique que “les attentats du 7 octobre 2023 ont détruit, sous les yeux du monde entier, cette illusion d’une sécurité basée sur une technologie sophistiquée” et que le massacre des populations de Gaza est un message général pour déclarer que “les bulles dorées de sécurité et de luxe qui parsèment le monde cruellement divisé, aux prises avec un réchauffement climatique accéléré, seront protégées à tout prix, y compris la violence génocidaire.”

Boycott et exclusion

Dans un univers politique américain où les deux candidats aux Présidentielles auront vraisemblablement plus de 70 ans, ce mouvement témoigne de l’engagement d’une partie de la jeunesse américaine, la plus éduquée. Elle fait le lien entre activisme pour les droits humains et la lutte contre le changement climatique pour obtenir des condamnations économiques et politiques de ce qu’ils combattent par l’exclusion et le boycott. C’est la voie que veulent suivre les étudiants français en demandant à la direction de Sciences Po de revoir ses partenariats avec les universités israéliennes.

Le mouvement d’exclusion des énergies fossiles est puissant dans un monde anglophone. GoFossilFree revendique la mise en application d’une politique d’exclusion par 1615 institutions dans le monde qui pèsent plus de 40 000 milliards de dollars grâce à ses actions. Près de 20 % sont des universités. Le Royaume Uni l’a expérimenté récemment avec l’université de Cambridge, sommée de quitter la banque Barclays parce qu’elle est le premier financeur des énergies fossiles La carte de France du mouvement elle est quasi vierge !

Jusqu’à l’émergence d’une révolte étudiante qui bloque les universités pour exprimer son soutien à Gaza, la France était rarement exposée à ce type de mouvement. Cela semble logique tant les médias ont du mal à traiter ces sujets autrement que par le prisme des partis politiques français ou de la sécurité au sein des institutions d’éducation.

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