Publié le 1 mai 2025

A l’occasion de la journée internationale des travailleurs et des travailleuses, une grande étude européenne revient sur l’état de délabrement de la santé mentale et physique des travailleurs du continent. La France, pointée du doigt pour ses méthodes managériales et son organisation du travail défaillantes, est le pays européen le plus affecté par cette crise.

Jusqu’à 115 milliards d’euros par an. C’est le coût cumulé des atteintes à la santé des travailleurs liées à l’exposition aux risques psychosociaux (RPS) en Europe, selon une récente étude européenne élaborée par une équipe de chercheurs de l’Inserm et de l’Ecole des sciences de gestion de Montréal. Publiée il y a quelques jours par la Confédération européenne des syndicats, l’étude s’attache à comprendre comment l’exposition des travailleurs à la pression au travail, l’insécurité de l’emploi, les heures de travail à rallonge, le harcèlement moral et le manque de reconnaissance contribuent à dégrader leur santé.

Les résultats montrent qu’en Europe, l’exposition à ces risques psychosociaux contribue de manière significative au développement des maladies cardiaques, alimentées notamment par le stress, ainsi que des dépressions. Résultat : un coût majeur pour les travailleurs, les employeurs et l’ensemble de la société, et ce, notamment en France.

Stress, dépression : la France au pire niveau européen

Le rapport montre ainsi, comme de nombreuses études depuis plusieurs décennies, que la pression constante au travail et la crainte de perdre son emploi dans un contexte tendu et marqué par la concurrence entre les travailleurs participent notamment à dégrader la santé cardiaque des salariés. Années de vie en bonne santé perdues, coûts pour le système hospitalier, coût de l’absentéisme pour les entreprises… La facture de cette exposition aux RPS s’élève à près de 15 milliards d’euros en Europe. Une somme gigantesque, à laquelle il faut ajouter près de 100 milliards d’euros liés aux maladies psychiques.

“Le coût annuel total des dépressions attribuable aux risques psychosociaux au travail a été estimé à entre 45 et 103 milliards d’euros”, expliquent ainsi les auteurs. En tête des causes de cette véritable crise de la santé mentale au travail ? La pression au travail et le harcèlement moral notamment, deux facteurs de risques liés à un management souvent autoritaire et déconnecté des réalités du travail. Et parmi les pays européens, c’est la France qui se place en tête du coût le plus élevé pour les dépressions liées au travail.

Santé mentale au travail : une crise encore taboue qui continue d’enfler

Un management à la française à repenser

Depuis plusieurs années, les études européennes Eurofound sur la qualité des conditions de travail arrivent d’ailleurs à la même conclusion : l’état des travailleurs français et leurs conditions de travail sont pires que la moyenne des pays européens. La France arrive ainsi dans le lot de tête des pays européens pour l’exposition aux contraintes physiques et aux nuisances (le bruit par exemple), le travail de nuit, le manque de reconnaissance, la précarité de l’emploi… Un salarié sur deux en France serait même en état d’épuisement émotionnel et / ou physique à cause de son travail, soit le niveau le plus élevé d’Europe.

En mars dernier, un rapport gouvernemental publié par l’Inspection générale des affaires sociales concluait de son côté que “les résultats obtenus par la France dans le domaine du management apparaissent médiocres” en comparaison avec d’autres pays européens. Avec des pratiques “plus verticales et plus hiérarchiques que chez ses voisins européens”,  “une reconnaissance au travail plus faible” et un déficit de formation, le système français de management produit plus qu’ailleurs de la souffrance psychique. 

Face à cette crise, le rapport recommande notamment de “favoriser le droit au dialogue professionnel dans les entreprises”, “d’étendre les pouvoirs du CSE (Comité social et économique, ndr) en matière d’organisation du travail”, de “réévaluer la représentation des salariés dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance” ou encore d’améliorer les dispositifs visant à favoriser “l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée”. Des réformes de fond visant à “travailler mieux”, qui mériteraient sans doute d’être discutées alors que c’est encore et toujours le “travailler plus” qui occupe l’essentiel de l’espace politique et médiatique dans le pays.

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