Publié le 14 février 2024

Quand les plus pauvres suffoqueront sous 40°C dans un épais nuage de pollution, où seront les ultra-riches ? A priori dans leurs bunkers. Ce marché est florissant à mesure que la crise climatique et autres tensions géopolitiques s’accélèrent. Le patron de Facebook (Meta) est en première ligne : il est en train de construire secrètement un bunker sur l’île hawaïenne Kauai.

Il ne reste que 90 secondes. Avant quoi ? La fin du monde, à en croire l’horloge de l’apocalypse. Crise climatique, détérioration des accords de réduction des armements nucléaires, guerre en Ukraine, dérives de l’intelligence artificielle… la liste des menaces mondiales est longue et terrifiante. Si terrifiante que certains préfèrent s’enfermer à double tour dans des bunkers croyant échapper à l’effondrement annoncé. Par “certains” comprenez : les ultra-riches.

Une longue enquête du média américain Wired vient ainsi de révéler que Mark Zuckerberg, le puissant patron de Facebook (renommé Meta), fait construire, dans le plus grand secret, un “somptueux complexe ultra-luxueux où il peut se terrer et survivre à l’apocalypse”. Le projet est d’envergure. Selon les documents confidentiels récupérés par le média, il comprend une douzaine de bâtiments, deux manoirs avec au moins 30 chambres et 30 salles de bains le tout relié par un tunnel débouchant sur un abri souterrain de plus de 400m2 et résistant aux explosions.

Evidemment, le complexe doit être autosuffisant en énergie et en nourriture. Au total, la superficie du projet est de 140 hectares. Le périmètre est protégé par des agents de sécurité et des murs de 2 mètres de haut. Depuis 2014, le milliardaire acquiert des parcelles de terrain sur l’île hawaïenne Kauai pour que son projet voit le jour. Et le secret est de mise : tous les acteurs impliqués dans la construction de cette forteresse à 100 millions de dollars sont soumis à une clause de confidentialité.

Des patrons de la tech en mode survivaliste

Mark Zuckerberg n’est pas le seul à jouer les survivalistes, mouvement qui était encore raillé il y a une dizaine d’années. Le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos aurait posé sa valise dans un complexe de l’île d’Indian Creek en Floride acheté pour 147 millions de dollars. La Nouvelle-Zélande serait, elle, devenue un eldorado des ultra-riches. Le milliardaire Peter Thiel, fondateur de PayPal, a investi en 2015 13,5 millions de dollars dans un domaine de près de 200 hectares. Mais patatras, les écologistes s’en sont mêlés et les impacts environnementaux négatif d’un pavillon-bunker ont convaincu le conseil local de refuser sa construction. Une goutte d’eau dans un vaste océan. Car les bunkers poussent comme des champignons.

Déjà en 2022, la compagnie américaine Defcon Underground Bunkers a vu ses commandes bondir de 500% trois semaines après le début de la guerre en Ukraine, rapporte Boursorama. Son concurrent, l’entreprise Rising S Bunkers, au Texas, évoque une hausse des commandes de 1 000%. Qui peut résister à l’Aristocrate ? Ce bunker, caché derrière une entrée à peine visible qui comprend une piscine, une salle de billard, un bowling, un stand de tir, une serre pour la nourriture, des portes anti-explosifs et des parois anti-balles… tout cela pour la modique somme de 9,6 millions de dollars -sans l’installation, cela va sans dire. “Nous ne vendons pas la peur, nous vendons la préparation”, se défend dans un slogan Rising S Bunkers.

“Un effondrement sociétal qu’ils ont contribué à créer”

Dans son livre Survival of the richest, escape fantasies of the billionaires, La survie des plus riches, les fantasmes d’évasion des milliardaires de la tech, le théoricien des médias Douglas Rushkoff raconte comment cinq milliardaires ont organisé une rencontre avec lui, en plein désert, pour récolter son avis sur les bunkers et la meilleure manière de survivre à la fin du monde. Le chercheur relate qu’ils utilisent le terme “The Event” : “L’évènement. C’était leur euphémisme pour désigner l’effondrement environnemental, les troubles sociaux, l’explosion nucléaire, la tempête solaire, un virus imparable ou un piratage informatique malveillant qui détruit tout”. Et résume ainsi : “Les milliardaires de la tech achètent des bunkers luxueux et engagent des agents de sécurité militaire pour survivre à un effondrement sociétal qu’ils ont contribué à créer”.

En 2019, le rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté, Philip Alston, évoquait déjà cet “apartheid climatique” : “Une dépendance excessive au secteur privé pourrait conduire à un scénario d’apartheid climatique dans lequel les riches paient pour échapper au réchauffement, à la faim, aux conflits, tandis que le reste du monde souffrirait”.

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