[Mise à jour le 18 avril à 22h]
28 salariés de Google ont été licenciés, apprend-on jeudi soir, après avoir manifesté le 16 avril dans les locaux de l’entreprise en Californie, à Seattle et à New York. Mardi 16 avril, ils avaient mené un sit-in pacifique de huit heures, afin de demander l’arrêt du projet Nimbus. Ce service de cloud développé pour le gouvernement israélien avec Amazon vaut 1,2 milliard de dollars et permet, selon les révélations du journal Time, de réserver une “zone d’atterrissage spéciale” pour le ministère de la défense d’Israël dans le cloud de Google. Ce point d’entrée ultra sécurisé offre une infrastructure digitale à l’armée du pays pour rassembler des données utilisées ensuite par l’intelligence artificielle.
BREAKING — A HISTORIC coast-to-coast sit-in of @Google workers demanding No Tech For Genocide in Gaza NOW:
*️⃣Dozens at @GoogleCloud CEO Thomas Kurian’s CA office
*️⃣Google workers taking over commons @ Google’s NYC HQSee/Share this thread for more info #NoTechForApartheid ➡️ pic.twitter.com/gX2c0yX00K
— MPower Change (@MPower_Change) April 16, 2024
Selon Franceinfo, qui révèle l’information, un mail envoyé mercredi à tous les employés par Chris Rackow, responsable de la sécurité mondiale de Google, affirme qu’“un comportement comme celui-ci n’a pas sa place sur notre lieu de travail et nous ne le tolérerons pas“. Le collectif No Tech for Apartheid, à l’origine de la mobilisation, a dénoncé “une campagne de vengeance de masse”.
“No tech for apartheid”
Les protestataires du 16 avril avaient donné une nouvelle ampleur à ce mouvement qui dure depuis fin 2023 où des centaines de salariés de Google ont défilé dans les rues de San Francisco pour demander d’arrêter le projet Nimbus. Il a été relancé parce que des preuves ont été apportées que Google avait cherché à renforcer son partenariat après le déclenchement de la guerre contre Gaza en proposant des avantages à Israël.
La campagne “No tech for apartheid” est un des volets des appels au boycott contre Israël à cause de la situation à Gaza. Sa pétition demandant la fin du projet Nimbus a déjà recueilli près de 100 000 signataires. Elle explique “qu’en faisant des affaires avec un régime qualifié d’apartheid, Amazon et Google facilitent la surveillance et le déplacement forcé des Palestiniens”.
Les protestataires font état ouvertement de leurs positions. Gabriel Schubiner, ingénieur Google, et Bathool Syed, stratège de contenu Amazon ont par exemple écrit une tribune commune dans laquelle ils assurent que “pour la première fois”, ils sont “unis en tant que travailleurs, au-delà des frontières de l’entreprise, pour envoyer une lettre commune exhortant Google et Amazon à respecter les droits de l’homme palestiniens.”
L’intelligence artificielle utilisée dans la guerre
Les spécialistes de l’intelligence artificielle qui font partie du mouvement de défense des droits des Palestiniens au sein de la tech, ont publié une déclaration il y a cinq mois appelant au cessez le feu parce qu’ils savent qu’à Gaza “a été testé l’un des systèmes de surveillance généralisé le plus complexe du monde”. Ils rappellent que “le secteur de la surveillance militaire représente des dizaines de milliards de dollars pour Israël à travers des entreprises qui fabriquent des armes ou des drones comme Elbit Systems et NSO Groupe”.
Les révélations sur le logiciel Lavender ont montré comment l’intelligence artificielle était utilisée dans la guerre. Elle analyse les informations recueillies sur les 2,3 millions d’habitants de la bande de Gaza grâce à un système de surveillance de masse qui permet ensuite de classer la population en fonction du degré de probabilité que telle personne soit active dans l’aile militaire du Hamas ou du Jihad islamique. Mais les exécutions basées sur ce type de paramétrage font de nombreuses victimes collatérales.
Les manifestants font le parallèle avec les salariés de Polaroid qui à l’époque de l’apartheid avaient obligé leur entreprise à cesser toute relation avec l’Afrique du Sud. Ils reprennent le flambeau du boycott économique comme outil politique majeur qui a fait ses preuves contre l’apartheid et montrent une fois de plus que la responsabilité géopolitique des entreprises est en train de monter en puissance.