Publié le 10 juin 2025

Les ventes de voitures neuves en France ne cessent de dégringoler depuis le début de l’année, suscitant l’inquiétude des constructeurs. Ils pointent les réglementations environnementales et le passage à l’électrique, qui renchérissent le prix des voitures. Mais c’est plutôt la stratégie de montée en gamme des constructeurs qui serait en cause, et qui éloigne les ménages les plus modestes du marché, montrent les experts.

-12,3% sur le mois de mai et -8,2% depuis le mois de janvier. Les ventes de voitures neuves ne cessent de perdre du terrain en France ces derniers mois. Pour les constructeurs automobiles, les coupables sont tout trouvés. La réglementation européenne, “trop lourde”, “trop complexe”, met des bâtons dans les roues des industriels en touchant à leur compétitivité par rapport à leurs concurrents, notamment chinois. Quant à la transition vers le véhicule électrique, avec la fin du moteur thermique prévue pour 2035 en Europe, elle perturbe les automobilistes et ralentit leur décision d’achat. Luc Chatel, président de la Plateforme automobile (PFA) expliquait ainsi sur RMC que les constructeurs automobiles se trouvent “face à une situation préoccupante“. D’autant que les ventes de voitures électriques stagnent aussi, alors qu’elles avaient eu tendance à augmenter ces dernières années.

L’Europe a considéré qu’il fallait qu’elle change de technologie en matière automobile, estime Luc Chatel. On a imposé cette solution unique, on a juste oublié qu’il fallait qu’à la fin il y ait des consommateurs qui achètent les véhicules“. Le dirigeant de l’organisation des constructeurs français appelle à plus de souplesse dans la réglementation, notamment sur la fin du moteur thermique, pour laisser le temps à la transition de se faire. Pour le représentant des constructeurs, ces différentes réglementations et les nouvelles technologies qu’elles impliquent auraient entraîné une augmentation du prix des véhicules, que le consommateur ne veut et ne peut pas absorber.

La stratégie des constructeurs responsable de la hausse des prix

Le prix des voitures a augmenté de 60% en quinze ans, alors que les revenus des français ont augmenté de 10%, rappelle Christophe Michaeli, directeur du marché automobile chez BNP Paribas Personal finance. Dans le contexte actuel, les Français privilégient leurs fins de mois.” Toutefois, la réglementation et le passage au véhicule électrique semblent avoir bon dos. Une étude réalisée par l’Institut des mobilités en transition (IMT) avec le cabinet C Ways s’est penchée sur les raisons de l’évolution des prix entre 2020 et 2024 et vient tordre le cou à ces idées reçues. Sur les 24% d’augmentation des prix recensés par les auteurs sur cette période, moins de 6% sont dus à l’augmentation du coût des matières premières, de l’énergie et du travail, et 6% sont dus à l’électrification et à l’impact de la réglementation.

Voiture électrique : les automobilistes attendent le feu vert

La plus grande partie de la hausse des prix, les 12% restants, est donc à mettre au crédit… des constructeurs eux-mêmes. “L’effet pricing power (augmentation des prix, ndr) a compté pour environ un tiers (+4%) et la montée en gamme pour les deux tiers en moyenne (+8%) avec cependant des disparités sensibles selon les constructeurs“, écrivent les auteurs. Ces dernières années, ils ont ainsi choisi non plus de miser sur l’augmentation des volumes de ventes, mais plutôt sur la préservation de leurs marges en jouant sur l’effet prix. Tout en misant sur des véhicules plus gros et plus haut de gamme, plus rentables que les petites citadines. “Cette stratégie semble à bout de souffle, comme en témoigne la baisse sans précédent et structurelle des ventes, les clients traditionnellement acheteurs de véhicules neufs les moins aisés ne pouvant suivre“, constatent les auteurs de l’étude.

Trouver des solutions pour les plus modestes

Une grande partie des automobilistes ne parvient donc pas à suivre le rythme. “On arrivera à faire la transition vers l’électrique quand on trouvera des solutions pour les ménages les plus modestes“, tranche Christophe Michaeli. D’autant que l’appétit pour les véhicules électriques est bel et bien là, le succès fulgurant du leasing social début 2024 le démontrant. Les 50 000 véhicules électriques à près de 100 euros par mois s’étaient écoulés en un temps record. Le dispositif devrait être reconduit cette année et pourra redonné un coup d’accélérateur aux ventes de voitures électriques, mais il n’arrivera pas avant septembre. BNP Paribas, de son côté, a mis en place une offre de location avec option d’achat sur une plus longue durée, jusqu’à 10 ans, pour réduire les loyers.

Pour les chercheurs de l’Institut des mobilités en transition, la réponse ne consiste en tout cas pas à réduire la portée de la réglementation. Ils préconisent au contraire d’accentuer les politiques publiques de bonus, malus, en fonction de l’empreinte écologique de la voiture, ainsi que de sa batterie pour les voitures électriques. Ils demandent par ailleurs aux autorités européennes d’accentuer leur soutien à la filière européenne de production de batteries pour continuer de réduire leur coût. Ou encore d’inciter au développement d’un nouveau segment de petits véhicules électriques, calqué sur les “kei cars” japonaises.

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