Publié le 03 février 2019

SOCIAL

[Le chiffre] 10 000 à 14 000 décès sont imputables au chômage chaque année en France

C’est un problème de santé publique majeur mais qui est complètement passé sous les radars. Chaque année, 10 000 à 14 000 décès sont imputables au chômage en France. Maladies chroniques, pathologies cardiovasculaires, anxiété, dépression, suicide, addictions renforcées par le manque d’estime de soi, renoncement aux soins… Les chômeurs présentent une surmortalité deux fois plus importante que les actifs du même âge. 

Les personnes sans emploi présentent par exemple un risque d'AVC et d'infarctus augmenté de 80 % par rapport aux actifs.
@Ricochet64

Le chômage nuit gravement à la santé. Selon plusieurs études, entre 10 000 et 14 000 décès sont imputables au chômage chaque année en France. C’est quatre fois plus que le nombre de tués sur la route, pourtant, ils sont bien moins médiatisés. Le chômage agirait comme un catalyseur et non pas un élément déclenchant, la surmortalité augmentant avec la durée du chômage.

Hausse des maladies cardiovasculaires, des pathologies chroniques, des cancers, mais aussi stress, anxiété, comportements addictifs accrus, troubles du sommeil et de l’alimentation, dépression, voire même suicide, le risque de décès chez les personnes au chômage est multiplié par deux par rapport à des actifs du même âge.

548 suicides après la crise de 2008

Selon des travaux de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), une progression de 10 % du taux de chômage se traduit par une hausse de 1,5 % du taux de suicide chez les demandeurs d’emploi. La hausse du chômage, relative à la crise qui a frappé la France de 2008 à 2010, a ainsi entraîné 548 suicides. Les chômeurs sont également davantage sujets aux comportements addictifs (consommation d’alcool ou de cannabis), ont une moins bonne hygiène de vie et font moins d’activité physique, notamment à cause du sentiment de culpabilité et la perte d'estime de soi.

"Au début, (l'alcool) m’aidait à tenir face au regard des autres, car j’avais le sentiment d’être jugé en permanence parce que j’étais chômeur, témoigne Olivier, 51 ans, sans emploi. J’étais déprimé, angoissé, j’avais des pensées suicidaires. Les journées étaient difficiles à vivre, le temps ne passait pas, alors j’ai consommé pour m’aider un peu, pour m’occuper mais, quand venait la fin de la journée, je me culpabilisais de ne pas avoir cherché de travail, alors je buvais un verre puis un autre pour oublier, jusqu’à m’endormir".

Les personnes sans emploi présentent par exemple un risque d'AVC et d'infarctus augmenté de 80 % par rapport aux actifs. Ils sont plus nombreux à mourir de cancer. Et 40 % d’entre eux ont déjà renoncé à un soin pour des raisons financières contre 25 % des actifs. "C’est un sujet sous-estimé collectivement", s’indigne l’association Solidarité Nouvelles face au Chômage (SNC) dans un rapport publié en septembre dernier (1). Elle appelle les responsables politiques, les pouvoirs publics, les institutions et les acteurs de santé à améliorer la prise en charge de la santé des personnes au chômage.

Changer notre regard

Dans un avis publié en 2016, le Conseil économique, social et environnemental (Cese), estimait aussi qu’il s’agissait là d’un "problème majeur de santé publique". "Le regard sur les personnes en situation de chômage doit évoluer et devenir plus bienveillant et objectif. Prévenir les conséquences sociales les plus dévastatrices pour les personnes au chômage et leur entourage suppose de lutter contre une stigmatisation qui nuit à l’exercice légitime de leurs droits, à l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et in fine à leur réinsertion même sur le marché du travail."

Le Cese recommande un meilleur accompagnement des chômeurs, en leur proposant un soutien psychologique, en les orientant vers un premier bilan médical dès le premier entretien à Pôle emploi, et en réfléchissant à élargir aux chômeurs le système de santé au travail. Pour approfondir la question, Pierre Meneton, premier chercheur français à avoir étudié la question, conduit un nouveau programme de recherche sur 200 000 volontaires afin d’affiner encore le lien entre chômage et surmortalité.

Concepcion Alvarez, @conce1

(1) Lire le rapport de SNC. 


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