Publié le 27 mai 2022

SOCIAL

L'État peine à lancer les "fonds réparation", son système censé financer la remise en état d'objets du quotidien

Un observatoire des "fonds réparation" a été créé pour superviser le bon fonctionnement du dispositif et a été confié à l’association de consommateurs CLCV. Avant même que le dispositif ne soit lancé, un collectif avait contesté en justice le décret qui acte sa création. Des ONG déplorent en effet le manque d'ambition et la complexité du système. L’État affirme de son côté avoir trouvé un compromis avec les éco-organismes chargés d'alimenter ces fonds.

Reparation pixabay
Moins de 10% des 1,2 milliard d’équipements électriques et électroniques commercialisés en France sont réparés.
Pixabay Réparation

Le dispositif d'aide à la réparation imaginé par la loi anti-gaspillage peine à voir le jour. Alors que l'entrée en vigueur des "fonds réparation" a été repoussée, un organisme tiers a été nommé pour superviser leur "bon fonctionnement". L'Observatoire du fonds réparation a ainsi été crée et confié à l’association de consommateurs CLCV jugée "indépendante des réparateurs, des pouvoirs publics et des éco-organismes". Cette indépendance suffira-t-elle à chapeauter un dispositif complexe et déjà décrié ? 

Les fonds réparation ont été créés pour encourager la remise en état d’objets du quotidien, au moyen de forfaits versés à un réseau de réparateurs agrées. Le système vise ainsi à financer partiellement la réparation d’un écran de smartphone cassé ou d’une panne d’aspirateur par exemple. Tout l'enjeu est de réduire la facture de la réparation pour les consommateurs et d'encourager ainsi ce réflexe. Mais le dispositif est complexe et décrié pour son manque de moyen. 

Ces fonds alimentés par les éco-organismes - des structures chargées de gérer la fin de vie de certains produits - doivent globalement couvrir 10 % du coût estimé de la réparation. Mais des ONG jugent ce montant insuffisant. Les Amis de la Terre et Zero Waste France estiment que les moyens alloués au dispositif sont bien en-deçà du système initialement imaginé. Le collectif a ainsi déposé devant le Conseil d'État un recours en annulation du décret de décembre 2021 qui donne naissance à ces fonds. 

Seuil psychologique de 33 % du prix du neuf

À l'origine, les fonds devaient prendre en charge au moins 20 % des frais de réparation pour démocratiser la pratique. Le coût de la réparation est en effet identifié comme l’un des principaux freins du passage à l’acte. Selon l’Ademe, une telle aide pourrait permettre de maintenir le coût de la réparation en deçà du seuil psychologique de 33 % du prix du neuf. Mais "le gouvernement a choisi de rétropédaler avant même la mise en œuvre officielle du dispositif", déplore Moïra Tourneur, responsable du plaidoyer de Zero Waste France.

Par ailleurs, le décret publié en décembre retarde la mise en œuvre du dispositif en étalant sur six ans sa montée en charge. Le montant du fonds pour les équipements électriques est ainsi fixé à 20 millions d'euros en 2022, avec un déploiement progressif annuel allant jusqu'à 102 millions en 2027, soit la moitié du montant qui aurait été nécessaire selon l'Ademe. Les ONG déplorent l’insuffisance de l'enveloppe financière globale : "loin de l'ambition de la loi anti-gaspillage (votée début 2020) qui avait créé le fonds, ce texte va à l'encontre du principe de non-régression environnementale ainsi que des objectifs nationaux de réduction des déchets", jugent-elles, estimant que "le gouvernement a saboté un outil ambitieux".

Moins de 10% des objets électriques et électroniques sont réparés 

De son côté, le ministère de la Transition écologique se défend et estime que "cette contribution de 10 % ne conditionne pas le pourcentage de prise en charge final" de la réparation pour le consommateur, qui pourra être plus élevé, notamment selon les produits. "C'est d'ailleurs ce qui ressort des propositions soumises par les éco-organismes", note-t-il. "Cet ajustement ne remet en aucun cas l'ambition du fonds de réparation, qui doit permettre d'allonger la durée de vie de nombreux objets du quotidien des Français", insiste le ministère.

Aujourd'hui moins de 10% des 1,2 milliard d’équipements électriques et électroniques commercialisés en France sont réparés, constate l'Ademe. Ces "fonds réparation" ont été imaginés pour démocratiser cette pratique, à condition que le dispositif voit le jour. Sinon la France pourrait s'inspirer de l'Autriche. Le pays vient de lancer des bons réparation distribués aux consommateurs pour financer la moitié du coût de la remise en état de leurs appareils électriques et électroniques, jusqu'à 200 euros. "Simple, basique" dirait Orelsan !  

Mathilde Golla @Mathgolla


© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

SOCIAL

Economie sociale et solidaire

L’économie sociale et solidaire (ESS) rassemble des entreprises de toute nature. Celles qui font de l’insertion mais aussi les grandes mutuelles appartiennent à ce secteur qui représente 10 % du PIB et près de 10 % des emplois en France. Il nourrit les politiques d’achats responsables des grands groupes.

Agence du don en nature collecte invendu associations DR

Loi anti-gaspillage : les invendus voués à disparaître, une catastrophe pour les associations

Véritable plateforme de lutte contre le gaspillage, l’Agence du don en nature (ADN) nous emmène dans les coulisses de son entrepôt-école. Vêtements, cosmétiques, jouets… Depuis 2008, l’organisme récupère les invendus non-alimentaires des entreprises pour les distribuer à des personnes en situation...

Reparation pixabay

L'État peine à lancer les "fonds réparation", son système censé financer la remise en état d'objets du quotidien

Un observatoire des "fonds réparation" a été créé pour superviser le bon fonctionnement du dispositif et a été confié à l’association de consommateurs CLCV. Avant même que le dispositif ne soit lancé, un collectif avait contesté en justice le décret qui acte sa création. Des ONG déplorent en effet...

Cocolis Utilisateurs covoiturage guitare copyright Nais BESSAIH

Face à la hausse des prix, la livraison collaborative de courses et de colis est en plein essor

Face à l'envolée des prix à la pompe, les Français ne manquent pas de ressources. Alors que les plateformes de covoiturage ont vu le nombre d'inscriptions exploser ces derniers mois, d'autres formules inspirées de ce modèle sont en plein essor. Il s'agit de la livraison collaborative de colis ou de...

Solidaire ESS finansol CCO

L’association Fair veut inscrire la finance à impact social dans les débats de la présidentielle

L’association de la finance solidaire veut peser dans la présidentielle. Fair, anciennement Finansol, a mis au point une dizaine de propositions visant à améliorer l’accès au financement des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Elle va désormais présenter ses idées pour favoriser la...