Publié le 07 février 2020
SOCIAL
Testing et "Name and Shame" : un cocktail efficace pour relancer le débat sur les discriminations à l’embauche
En vingt ans, la difficile reconnaissance de la discrimination à l’embauche a connu plusieurs phases. La discrimination existe largement, mais son illégalité permet d’en nier l’existence. Ce long combat a eu des périodes de succès, mais la stratégie des entreprises pointées du doigt consiste en général à refuser d’admettre le phénomène en attaquant la méthodologie alors qu’elles pourraient choisir de lutter contre les discriminations en prenant le problème à bras-le-corps.

@Aleutie
Souvenez-vous. Il y a 20 ans la France la discrimination à l’embauche n’existait pas puisque la loi interdit de flécher les personnes en fonction de la couleur de leur peau ou de leur religion. Il a fallu plusieurs affaires comme celle des code BBR (pour Bleu Blanc Rouge) mises en place par les agences d’intérim pour sélectionner les candidats "français" avant d’admettre que le problème existait bel et bien. C’est ainsi qu’un premier mouvement de reconnaissance a eu lieu avec la création de la Haute Autorité de Lutte contre les discriminations et pour l’Égalité (HALDE) en 2004.
Son travail de formation et d’évaluation des modes de recrutement en France avait beaucoup aidé à faire comprendre la nature des discriminations à l’embauche. Cette dernière repose pour l’essentiel sur la représentation fantasmée que l’on a de telle ou telle communauté à laquelle on relie une personne par son nom ou son adresse. C’est une construction mentale dont seule l’éducation et la formation permettent de sortir.
Disparition de la Halde
Il y a dix ans tout juste le testing, qui avait mis du temps à se mettre en place dans les entreprises, était en passe de devenir un outil de management, encouragé par la HALDE. Mais un an plus tard, en 2011, la HALDE est absorbée par le Défenseur des droits malgré les alertes de l’époque sur le risque de recul dans la lutte contre les discriminations au travail que cela impliquait.
En 2020, le testing, commandé par le ministère de la Ville et du Travail, a le mérite de cibler un seul cas de figure : les noms à consonance maghrébine et de s’être déroulé après la grande vague d’attentats de 2015 qui a généré de grandes craintes sur la radicalisation islamiste, potentiel facteur de discrimination à grande échelle. Il est d’autant plus utile que le label diversité mis en place en 2008 qui permet de récompenser les entreprises ayant des démarches très avancées de lutte contre les discriminations au travail n’est à ce jour attribué qu’à 75 entreprises dont une quarantaine de TPE/PME !
Le gouvernement a fait le choix du "Name and shame". Il a publié le nom des sept entreprises ayant un écart très significatif de réponses à des CV équivalents dont la seule différence est le nom de la personne, à consonance franco-française ou maghrébine. Cela permet de relancer le débat. Air France, Renault ou Accor sont des entreprises emblématiques françaises. C’est dommage qu’elles n’aient pas saisi l’opportunité d’utiliser les démarches de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), qui consistent à s’engager à améliorer ses pratiques. Elles ont préféré publier un communiqué de presse commun pour attaquer la méthodologie de testing et donc en contester les résultats.
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic