Publié le 16 octobre 2020

SOCIAL

[Tempête Covid] Quand la pandémie sanitaire provoque une crise de la faim

Alors que dans le monde entier, les associations d'aide alimentaire notent une hausse de la fréquentation depuis la crise sanitaire, l'association Oxfam estime que 12 000 personnes par jour pourraient mourir de faim en raison du Covid-19. Le virus, en aggravant les inégalités, fait basculer des millions de personnes dans la famine. À l'occasion de la journée internationale de la faim, ce vendredi 16 octobre, Novethic revient sur cette menace. 

Crise alimentaire france
Des volontaires distribuent de la nourriture dans un camp rom à Bordeaux le 10 avril.
LAURENT PERPIGNA IBAN / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP

C’est une sombre perspective que dresse l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans un nouveau rapport. Selon elle, le Covid-19 pourrait plonger jusqu'à 132 millions de personnes de plus que prévu dans la famine en 2020. "Des poches d’insécurité alimentaire peuvent apparaître dans des pays et des groupes de population qui n’étaient pas traditionnellement affectés", note la FAO. "Une évaluation préliminaire suggère que la pandémie pourrait ajouter entre 83 et 132 millions de personnes au nombre total de personnes sous-alimentées dans le monde en 2020 en fonction du scénario de croissance économique", souligne-t-elle.

Si cette réévaluation reste à confirmer, elle dessine une tendance qui se vérifie depuis 2014 : le nombre de personnes touchées par la faim dans le monde augmente. Dès la fin du mois d’avril, alors que plusieurs pays avaient opté pour le confinement afin de limiter la propagation du virus, le directeur exécutif de la FAO, David Beasley, prévenait : "Nous sommes à l’aube d’une pandémie de la faim". 

12 000 personnes par jour pourraient mourir de faim liée au Covid-19

L’alerte était si importante que trois organisations qui n’ont pas l’habitude d’écrire un communiqué ensemble, la FAO, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont adressé en avril un document commun prévenant du risque croissant de pénurie alimentaire mondiale. Certains États, pour lutter contre la propagation du virus, ont en effet pris des mesures protectionnistes, comme la limitation des exportations, faisant peser un risque d’approvisionnement de certaines matières premières sur des pays en demande. 

Les experts ont également noté des retards aux frontières pour les containers susceptibles de "provoquer un gâchis de produits périssables et une hausse du gaspillage alimentaire". Une situation d’autant plus tendue que la crise, en accentuant les inégalités, a précarisé davantage certaines populations. Les associations de dons alimentaires ont noté une augmentation de 30 à 40 % de fréquentation pendant le confinement en France par exemple. 

Dans de nombreux pays, la crise sanitaire s’ajoute déjà à des conflits, des inégalités ou encore au changement climatique, faisant basculer des millions d’individus dans la misère. Selon Oxfam, d’ici la fin de l’année, 12 000 personnes par jour pourraient mourir de faim en raison du Covid-19, "potentiellement plus que ne mourront de la maladie elle-même", note l’ONG. "La faim peut nous tuer avant le coronavirus", témoignent les communautés pauvres citées par Oxfam. 

Le paradoxe d'une surproduction alimentaire

L'ONG a identifié dix pays où la crise alimentaire s’aggrave dangereusement avec le virus. Parmi eux, le Yémen, la RDC, l’Afghanistan ou encore le Venezuela. "Ensemble, ils représentent 65 % des personnes confrontées à une crise de la faim dans le monde. Mais de nouveaux points chauds émergent également. Les pays à revenu intermédiaire comme l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil connaissent une augmentation rapide de la faim", souligne Oxfam. 

"Cette pandémie a vraiment révélé les failles du système et les endroits où il commence à s’effondrer", explique à Bloomberg Nate Mook, directeur général du groupe de secours alimentaire World Central Kitchen. Une situation d’autant plus difficile à comprendre que le niveau de surproduction alimentaire actuelle est sans comparaison "grâce à l’avènement de l’agriculture moderne, qui a vu les rendements des cultures exploser", résume le journal.

Marina Fabre, @fabre_marina


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