Publié le 05 septembre 2016

SOCIAL
Dominique Potier : "la loi sur le devoir de vigilance doit être votée en l’état"
Le rapporteur de la proposition de loi sur le devoir de vigilance à l’Assemblée nationale, le député socialiste Dominique Potier, est confiant quant à la promulgation du texte avant la fin du quinquennat. Celui-ci impose aux entreprises donneuses d’ordre françaises (de plus de 5 000 salariés en France et 10 000 à l’étranger) de mettre en place un plan de vigilance afin d'identifier, de prévenir et d'atténuer les risques et les atteintes aux droits de l'Homme dans leur chaîne d’approvisionnement, sous peine de s’exposer à des sanctions financières allant jusqu’à 10 millions d’euros. Si la France adoptait une telle législation, elle ferait figure de pionnière.

Jean-Christophe Verhaegen / AFP
Novethic : La proposition de loi sur le devoir de vigilance doit repasser au Sénat en seconde lecture, mais la date n’est pas encore connue… A-t-on l’assurance que le texte sera promulgué avant la fin du quinquennat ?
Dominique Potier : Nous attendons un calendrier prévisionnel du gouvernement qui serait la preuve qu’une décision a enfin été prise au sujet de cette loi. Toutefois, j’ai eu la confirmation de l’intention de l’exécutif de la faire adopter de façon définitive et en l’état d’ici la fin de l’année pour un décret publié début 2017. Je suis donc confiant et je parie sur la réussite.
D’ores et déjà, parallèlement à la navette parlementaire, je suggère que le projet de décret fasse l’objet d’un travail de concertation avec les entreprises, les ONG, des parlementaires et des experts pour gagner du temps. Cela permettrait de rassurer les partisans vis-à-vis des mauvais procès qui sont faits à cette loi et de convaincre peut-être une partie de l’opposition. Je pense pouvoir être entendu sur cette proposition.
Quel est l’état des forces, alors que les sénateurs avaient vidé le texte de sa substance en première lecture ?
Il ne faut jamais désespérer, mais il est vrai qu’en première lecture, malgré la volonté de dialogue des promoteurs de la loi, un mur s’est dressé face à eux avec des positions très caricaturales et une impossibilité de débattre. Les sénateurs de l’opposition n’ont pas pris conscience qu’il s’agissait d’une grande loi de progrès. Ils n’ont pas apporté de nuances. Je crains qu’au Sénat, la toute-puissance des lobbies n’ait été trop forte. Je le regrette profondément, car ils sont selon moi en décalage complet par rapport à ce qu’il se passe dans le monde sur cette question.
Cela n’est pas du tout vrai du côté de l’Assemblée nationale où les discussions ont été d’une grande qualité : des points de vue différents ont pu s’exprimer, des questions légitimes et intelligentes être posées et des voies intermédiaires recherchées.
Le principe de sanction maintenu
D’une part, Myriam El Khomri, ministre du Travail, soutient ouvertement le projet de loi et d’autre part Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, expliquait avant de quitter son poste qu’il ne faut pas mettre le couperet du juge tout de suite. Quelle marge de négociation vous accordez-vous ?
Nous sommes éventuellement prêts à discuter sur le délai d’application, ce qui est assez classique, mais nous ne reviendrons en aucun cas sur le principe de sanction. S’il n’y pas de sanction, la loi n’a pas d’intérêt. Là-dessus, nous sommes clairs.
Par ailleurs, quant à la position du gouvernement, je préfère faire le pari que cela va marcher. La question a progressé même si elle connaît partout des résistances. Myriam El Khomri, par exemple, s’est fortement engagée pour faire aboutir cette loi. Et je le répète, j’ai eu des engagements forts pour que le texte soit voté en l’état.
Comment réagissent les entreprises et les dirigeants que vous rencontrez quant à l’adoption d’une telle loi, qui serait une première en Europe ?
Les entreprises et les grands leaders que je croise sont convaincus que cette loi est inéluctable et même bienvenue. Pour eux, qui sont plutôt engagés et en accord avec ce qu’exige la loi, cela peut justement être un élément différenciant vis-à-vis de certains de leurs concurrents. Cette position fait petit à petit son chemin. C’est le sens de l’Histoire, même si, collectivement, la position des entreprises est d’être contre.
La France, en adoptant définitivement la loi sur le devoir de vigilance, permettrait d’avancer sur la voie d’une directive européenne et d’être crédible pour défendre une telle législation. Cela fait plus de trente ans que nous faisons de la RSE volontariste. Pour des résultats infimes ! Il est temps de légiférer.