Publié le 18 février 2014

SOCIAL

Handicap : le secteur adapté se veut au coeur de la RSE

Le taux de chômage des personnes handicapées reste double de celui de la population française et pourtant les entreprises n'arrivent que rarement à atteindre leur quota légal de travailleurs handicapés. Parmi les outils dont elles disposent, le « secteur adapté », en tant que sous-traitant, entend mettre en avant son ADN RSE.

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© Ange L Production

Entreprises adaptées : un modèle économique hybride

« Dans les ESAT, le travail ne vient qu'en support du projet médico-social d'où un financement public majoritaire. Dans les EA, il s'agit avant tout de créer des emplois et de l'activité», précise le directeur de l'Union des entreprises adaptées (UNEA) www.unea.fr , Sébastien Citerne. Si le soutien financier de l'Etat compte pour environ 70% du budget des ESAT, il ne pèse que 25%, en moyenne dans celui des EA, qui s'auto-finance donc à 75% avec leur activité commerciale. Pourtant, les EA ont l'obligation d'employer 80% de personnel handicapé, dont la « capacité de travail » doit être supérieure ou égale au tiers du travailleur « valide ».

En quatre ans, le taux de chômage des personnes handicapées a grimpé de 60% et pointe désormais à 21%. Depuis 2005, le législateur a pourtant renforcé les obligations des entreprises de plus de 20 salariés qui doivent employer 6% de travailleurs reconnus handicapés, sous peine d'amendes accrues. Huit ans plus tard, le taux atteint 3,1% (Agefiph 2011) soit la moitié de l'objectif. Mais la situation serait plus catastrophique encore si les entreprises ne pouvaient pas recourir à la sous-traitance, ce que la loi permet à hauteur de 3%. Utilisée par plus de 60% des établissements atteignant le quota selon l'Agefiph, la sous-traitance passe par les Etablissements d'aide par le travail (ESAT), mais aussi par les 700 entreprises adaptées (EA), le nouveau nom des ateliers protégés.

Les EA pèsent désormais 1,1 milliard de chiffre d'affaires et emploient 30 000 personnes. « Comme toute entreprise, les EA doivent être compétitives en qualité prix délais », souligne Sébastien Citerne le directeur de l'UNEA. Et de plus en plus, répondre aux attentes RSE des départements achats.

700 entreprises adaptées, un large éventail d'activités

Juillet 2013. Gestform , qui fait partie des grosses PME du secteur adapté avec 330 emplois contre 40/50 dans l'EA moyenne, remporte un nouveau contrat auprès d'Airbus pour de la gestion électronique de documents. Pour Gestform, travailler avec des grands donneurs d'ordres n'a rien de nouveau. Depuis des années, l'entreprise se bat sur la performance et vient d'ailleurs de se faire certifier ISO 14001. Avec un département innovation, chose rare pour une EA, Gestform se positionne à la pointe de la gestion documentaire, de la numérisation et de la sous-traitance administrative.

Sans être tout à fait représentatif de par sa taille, l'exemple de Getform montre combien le cliché « espaces verts et conditionnement » accolé aux travailleurs handicapés est devenu réducteur. « Aujourd'hui, les entreprises adaptées sont présentes dans un grand nombre de secteurs comme la numérisation, les centres d'appels, la signalétique, les déchets et même la communication audiovisuelle», souligne Joseph Ramos le directeur d'Handeco, une place de marché et un pôle de formation pour les départements achats. Bonne nouvelle, « de plus en plus d'organisations, publiques et privées, se mettent en ordre de marche sur leurs achats auprès du secteur adapté », assure-t-il. Les raisons ? La loi de 2005 mais aussi l'essor des achats responsables, des politiques diversité et de la Responsabilité sociale d'entreprise.

La RSE, une priorité pour l'Union des Entreprises Adaptées

Et pour cause. «Avec sa double mission sociale et économique, le secteur adapté répond pleinement à un nombre très important de points de la RSE, formalisée par la norme ISO 26 000 », estime Sébastien Citerne. Pour sensibiliser ses adhérents à la RSE et mieux les outiller, l'UNEA vient d'ailleurs de lancer le projet « Cap RSEA 2016 ». Sur trois ans, elles seront formées et 45 EA seront accompagnées à travers le référentiel AFAQ 26000 de l'AFNOR, ce qui permettra de « faciliter le dialogue et le reporting avec les donneurs d'ordre », estime Sébastien Citerne. Et c'est une nécessité. Car pour les plus petites entreprises du secteur, il est parfois difficile de répondre aux demandes de plus en plus exigeantes des donneurs d'ordres. « Pour nous guider dans notre choix de fournisseurs responsables, nous utilisons une plateforme (Ecovadis) qui note leurs performance RSE. Or, Paradoxalement les EA ont parfois de très mauvaises notes, essentiellement parce que leur politique en la matière n'est pas structurée », souligne Hélène Hetroy, acheteuse à la Société Générale.

Airbus : le handicap systématisé dans les appels d'offre

Aux Achats généraux d'Airbus EADS, pas de département achats responsables, mais le handicap est désormais un pilier de la RSE. « C'est le premier critère RSE à être intégré systématiquement dans nos appels d'offre », explique le patron des Achats Généraux (8 milliards de budget annuel), Patrick Fanget. « Convaincre les acheteurs a été difficile au départ, mais sur 2 ans et demi, 60 emplois ont pu être créés en sous-traitance. Cela peut sembler faible, mais c'est un démarrage ». Chez Airbus, la sous-traitance vient en complément de l'emploi en interne, et le handicap est présenté comme un axe de la politique diversité. Mais l'entreprise, signataire de la Charte de la diversité, ne précise pas pour autant son taux de travailleurs handicapés (1).

Au vu des synergies entre RSE et obligations légales, les EA semblent promises à un bel avenir. Mais - c'est la limite du modèle économique hybride- leur essor est en partie bridé par l'aide de l'Etat, contingentée à 20 000 emplois temps plein. Après un gel entre 2006 et 2011, le nombre d'aides au poste dans les EA devrait passer à 22 500 d'ici à 2015/2016.

(1) D'après le bilan 2013 de la charte de la diversité en entreprise, les 3 000 entreprises signataires atteindraient globalement et en moyenne 6% de travailleurs handicapés, soit le quota demandé par la loi de 2005.

Thibault Lescuyer
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