Publié le 27 juin 2014
SOCIAL
Présentéisme : un phénomène discriminant pour les femmes
La tendance franco-française à prolonger ses heures de travail pose un problème en termes de mixité. Les femmes, encore largement responsables des tâches domestiques et familiales, ne peuvent pas jouer le jeu de la visibilité et du réseautage au même titre que les hommes.

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Avant qu’elle ne devienne maman, Yasmine ne comptait pas ses heures au sein du cabinet comptable américain réputé pour lequel elle travaille à Levallois-Perret. Mais à son retour de congé maternité, tout a changé : "Quand ils ont compris que j’avais d’autres priorités et que je ne pouvais plus m’investir autant en termes d’heures passées au bureau, mes managers ont changé d’attitude. Lorsqu’on devient maman, peu importe les résultats, on ne colle plus avec le rythme de l’équipe. La carrière est bloquée, je suis résignée."
Cette situation, Yasmine n’est pas la seule à la vivre. Dans les entreprises où le présentéisme est une pratique largement répandue, les jeunes mères se placent malgré elles en marge d’un système qui encourage les salariés à rester tard au bureau.
Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de la parentalité en entreprise (OPE), confirme : "Le présentéisme pose en effet un problème en termes de mixité, car il pénalise les femmes. C’est souvent en fin de journée que se créent les réseaux informels et que sont prises certaines décisions stratégiques, dans les couloirs ou les bureaux, à une heure où les femmes sont soit rentrées à la maison, soit dans les transports en commun pour s’occuper des enfants et préparer le repas."
Un frein de carrière
Le présentéisme est déjà identifié comme un facteur de risque en termes de santé et de sécurité au travail. Il freine aussi la carrière des femmes, qui ne peuvent plus assurer un comportement dit "corporate" : rester tard pour montrer sa motivation, se rendre visible et développer son réseau en interne.
"Certains de mes collègues, homme ou femme, prennent des pauses tout au long de la journée, mais sont là longtemps. Moi, j’arrive à atteindre mes objectifs dans un délai plus restreint, mais ce n’est pas reconnu. Les seules mères de mon service qui n’ont pas été freinées dans leur ascension sont celles qui ont joué le jeu du présentéisme. La maternité est acceptée seulement si la femme continue de ne pas compter ses heures", résume Yasmine.
Une trop lente évolution
Malgré tout, les pratiques évoluent. La Charte de la Parentalité, ou les 15 engagements pour l’équilibre des temps de vie, vont dans ce sens. Mathilde Tabary, responsable RSE (responsabilité sociale des entreprises) de Carrefour, explique :"Dès 2008, nous avons été l’un des 30 premiers groupes à signer la Charte de la Parentalité, avec des actions concrètes. En outre, Carrefour France a signé les 15 engagements pour l'équilibre de vie de l’OPE (l’Observatoire de la parentalité en entreprise, NDLR). Nous avons également des Chartes de réunions en France, en Espagne et en Argentine pour l'équilibre des temps de vie. Enfin, pour sensibiliser à cette question, nous diffusons régulièrement des 'Guides de la parentalité' à l'ensemble de nos managers, en France et ailleurs."
Mais le chemin à parcourir est encore long, comme le constate Jérôme Ballarin : "D’après le dernier Baromètre OPE de la conciliation entre vie professionnelle, vie personnelle et familiale, 7 salariés sur 10 considèrent que leur employeur ne fait pas beaucoup de choses pour les aider à équilibrer leur temps de vie."