Publié le 10 octobre 2014

SOCIAL

L’obésité, un motif de discrimination au travail mal pris en compte

En France, 1 personne sur 8 est obèse. Ce problème de santé publique est devenu un combat national: de 2010 à 2013, un "plan obésité" a multiplié les actions de communication pour rappeler la réglementation et lutter contre la stigmatisation liée à cette pathologie. Pourtant, souffrir d’obésité est plus que jamais un motif de discrimination à l’embauche et d’exclusion au travail. Devant ce problème qui mêle éthique et santé, les entreprises commencent à réagir. Quelques mesures concrètes apparaissent timidement.

Photo d'illustration
© iStock

Le plan obésité mis en place en 2010 a sans doute mis au jour ce problème en tant que motif de discrimination dans l’entreprise. Selon le 7e Baromètre sur la perception des discriminations à l’emploi, publié en février dernier par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT), 58% des salariés du privé (58% du secteur public) estiment qu’être obèse est un inconvénient pour être embauché.

Des chiffres qui sont "en nette augmentation depuis la dernière vague, qui date de janvier 2013: +7 points dans le public et  +10 points dans le privé". Au-delà des chiffres, c’est le choix même du terme "obèse" qui marque un tournant, comme l’explique Marie Citrini, secrétaire générale du Collectif national des associations d’obèses (CNAO): "C’est la première fois que le Baromètre le nomme comme tel. Auparavant, il parlait de personne à corpulence différente."

Pour l’association, c’est une petite victoire dans la prise en compte de cette forme de discrimination, moins considérée que d’autres motifs tels que le genre ou l’origine ethnique.

 

Des préjugés persistants

 

Cette forme d’exclusion ressentie par les personnes en fort surpoids s’explique en partie par les préjugés qui perdurent au sein des entreprises: "S’il est obèse, c’est parce qu’il n’a pas de volonté", "si cette personne n’arrive pas à se prendre en main, elle ne pourra pas non plus assurer une mission", ou encore "ne pas résister à la nourriture est une forme de faiblesse".

Marie Citrini a elle-même vécu le poids de ces préjugés: "J’étais secrétaire de direction dans un groupe allemand, en charge des agendas de 80 commerciaux. Chaque mois, je me rendais en Allemagne pour un reporting. Puis, à la suite d’une fausse couche, j’ai commencé à grossir, jusqu’à prendre 40 kg. Subitement, on m’a interdit de me rendre en Allemagne car, m’a-t-on dit, 'je ne représentais plus l’image de l’entreprise'." Ce genre de brimades, Marie Citrini continue d’en être le témoin quotidien à travers l’association.

 

Les entreprises s’engagent… timidement

 

L’obésité constitue pourtant un fort enjeu pour les entreprises. Au-delà de la discrimination se pose un autre problème: le risque pour la santé. C’est la raison pour laquelle les entreprises commencent à s’y intéresser. "Je suis convaincue que les progrès ne peuvent venir que de l’entreprise", assure la secrétaire générale du CNAO.

C’est pourquoi le Collectif a commencé à travailler avec plusieurs entreprises afin de mettre en place des actions de sensibilisation et des actions concrètes. Un exemple avec l’usine PSA de Rennes qui était confrontée à une hausse des arrêts maladie en raison d’une forte proportion de salariés obèses. Une obésité notamment favorisée par le travail de nuit. Pour inverser la tendance, l’entreprise a mis en place des repas plus équilibrés et organisé 1/2 heure d’activité quotidienne encadrée par des coaches sportifs.

Pour accompagner leurs salariés souffrant d’obésité, de plus en plus d’entreprises organisent des séances sportives ou des sorties "marche rapide" pendant le temps de travail. "Aujourd’hui, estime Marie Citrini, on passe plus de temps dans l’entreprise que chez soi. C’est donc un lieu propice pour l’action."

Céline Oziel
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