Publié le 14 novembre 2023
SOCIAL
Les tickets-restaurant subventionnant la malbouffe : le gouvernement rétropédale
Le gouvernement prolongera finalement la possibilité d'acheter avec des tickets-restaurant des produits non consommables de suite comme les pâtes, le riz, la viande, les légumes… Cette dérogation, lancée en octobre 2022 devait arriver à échéance à la fin de l'année et limiter l'achat aux plats préparés. Un chèque en blanc à la malbouffe pour beaucoup et surtout un coup dur pour les plus précaires en pleine inflation alimentaire.

INA FASSBENDER / AFP
"Je vous annonce que les bonnes idées il faut les considérer, les prolonger". La bonne idée évoquée par Olivia Grégoire, la ministre des PME et du Commerce sur M6 mardi 14 novembre au soir est celle de la prolongation d'une dérogation permettant aux consommateurs d'acheter des aliments de première nécessité et non consommables de suite avec des tickets-restaurant. En raison de l’inflation et de la crise du Covid-19, le gouvernement avait instauré cette dérogation à partir du 1er octobre 2022 pour pouvoir acheter des légumes, farines, pâtes, viandes, poissons, café... Mais elle arrivait justement à échéance le 31 décembre 2023.
Mardi 14 novembre dans la journée, le ministère avait bien affirmé à Novethic que "les consultations avec l’ensemble des parties prenantes se poursuivaient". La porte n'était donc pas fermée, d'autant que Bruno Le Maire, ministre de l''Économie s'était dit favorable à une prolongation de la dérogation devant la commission des Affaires économiques du Sénat. Mais pour l'instant, le gouvernement ne trouve pas de solution législative pour porter cette mesure sans qu'elle ne soit considérée comme un "cavalier législatif".
Levée de boucliers des consommateurs
Si le gouvernement a fait volte-face sur le sujet, c'est en raison de la levée de boucliers des consommateurs. Notamment parce que beaucoup considèrent que la restriction aux seuls produits consommables de suite, comme les sandwichs, les plats préparés à réchauffer, les salades préparées... est un chèque en blanc à la malbouffe. "Cette mesure est une bonne idée, mais seulement pour les industriels et les lobbies de la malbouffe", "un pas de plus vers la précarité alimentaire et l’encouragement à la malbouffe", lisait-on sur le réseau social X, anciennement Twitter, avant le revirement du gouvernement.
Reste désormais à affronter le mécontentement des restaurateurs. Déjà en septembre 2022, lors des discussions, les deux principaux syndicats, le GNI (Groupement national des indépendants de l'hôtellerie restauration) et le SNRTC (Syndicat national de la restauration thématique et commerciale) avaient prévenu le gouvernement : "Le titre restaurant n’est pas et ne doit pas devenir un chèque alimentaire". Craignant que les consommateurs privilégient les "géants de la distribution", ils en appelaient à soutenir "l’activité des commerces de bouche de proximité".
Les prix alimentaires flambent
Le contexte est délicat. L’inflation galope. D’après le dernier baromètre de NielsenIQ pour le magazine LSA, la France fait partie des pires pays européens en la matière. "Aujourd’hui, l’Hexagone est le pays où les prix ont le plus augmenté depuis janvier 2022", note le panéliste qui a passé au grill les prix de milliers de produits de grande consommation dans sept pays européens. En même temps, la pauvreté s’aggrave en France. Le dernier rapport du Secours catholique est pour le moins inquiétant, pointant une nette aggravation de la pauvreté en 2022, comme l’atteste la forte hausse du nombre de personnes faisant appel à l’aide alimentaire des associations.
Les femmes sont d’ailleurs les premières victimes de la pauvreté en France, toujours selon le Secours catholique, et essentiellement les femmes avec enfants. "Quand 16 % des Français disent ne pas manger à leur faim, la seule réponse ne peut pas être d’augmenter l’aide alimentaire. Contraindre des millions de mères de famille à quémander un colis pour nourrir leurs enfants, ce n’est pas une société qui prend soin. N’apporter de réponse qu’à une personne sur deux qui appelle le 115 pour avoir un toit où dormir, pas davantage", résume l'association.