Publié le 30 août 2017
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La grande distribution double ses marges sur les fruits et légumes bio
Comment expliquer l'écart de prix entre les fruits et légumes bio et leur équivalent issu de l'agriculture conventionnelle ? Certes les coûts de production sont plus élevés mais surtout, la grande distribution applique des marges brutes "exorbitantes", révèle une nouvelle étude de l'UFC Que Choisir. De manière générale, sur les fruits et légumes bio, les marges des enseignes sont 96% plus élevées que dans le conventionnel.

Oui, les produits bio sont plus chers. Mais pourquoi ? C'est la question que s'est posée l'UFC Que Choisir. L'association de consommateurs a passé au crible 1 541 magasins de la grande distribution. Elle s'est focalisée sur un panier de 24 fruits et légumes coûtant en moyenne 368 euros quand il est issu de l'agriculture conventionnelle contre 660 euros en bio. Soit 79% plus cher, calcule l'association qui s'appuie sur les données du Réseau des nouvelles des marchés (RNM), organe dépendant de l'institut public FranceAgriMer.
Sans surprise, cet écart s'explique en partie par le coût de production. "Le surcoût du bio au niveau agricole se justifie par l'absence de pesticides de synthèse et donc un rendement moins élevé mais aussi par une moindre mécanisation", explique Olivier Andrault, chargée de mission à l'UFC Que Choisir. Cependant; il précise que "le coût de la production n'est pas la principale raison de cet écart".
Des marges 145% plus élevées pour la tomate bio
Il faut aussi regarder du côté des marges brutes de la grande distribution. Selon les calculs de l'association, elles sont de 169 euros sur un panier conventionnel, contre 304 euros sur le panier bio. Presque le double ! "46% du surcoût du bio provient en réalité des 'sur-marges' réalisées sur le bio par les grandes surfaces", alerte l'UFC Que Choisir. "Cet écart est encore plus spectaculaire pour les deux produits frais les plus consommés du rayon : +145% pour la tomate et +163% pour la pomme !".
Disponibilité du #bio (1541 magasins enquêtés par 123 de nos associations locales) des courses bio impossibles dans près d'1 magasin sur 2 pic.twitter.com/NsbMeDCEdd
— UFC-Que Choisir (@UFCquechoisir) 29 août 2017
Y a-t-il une raison à ces marges ? "Nous n'avons pas d'explication convaincante. On est dans l'ordre de la démesure", avance le président de l'UFC Que Choisir, Alain Bazot. Initialement, l'association a supposé que l'explication se trouvait dans la particularité des fruits et légumes bio qui sont plus périssables et plus sensibles aux manipulations. Or, le poireau, connu pour sa résistance, détient le record avec une surmarge de 191%.
"Le consommateur subit une double peine sur les prix et la disponibilité"
Malgré ces prix, la grande distribution est devenue le premier acteur de la bio, avec 42% de part de marché. Il faut dire que les enseignes n'ont pas lésiné sur la communication. "Plus de bio moins cher", claironne Leclerc ; "le bio à la portée de tous", se targue Carrefour ; "notre baguette bio ne coûte pas plus de blé", s'amuse Monoprix.
Des slogans qui ne reflètent pas la réalité du marché, estime Alain Bizot. "L'offre bio est souvent un alibi. Le bio est porteur avec un marché de 7 milliards d'euros. Pourtant dans les rayons, les cagettes sont à moitié pleines". Selon l'UFC Que Choisir, près d'un magasin sur deux (43%) ne proposent pas de pommes et de tomates bio dans ces rayons.
"Le consommateur subit une double peine sur les prix et la disponibilité : l'offre est indigente et les surmarges dissimulées sont aberrantes", déplore Alain Bizot. Or si les surmarges étaient divisées par deux, estime l'association, les ménages économiseraient à l'année jusqu'à 72 euros. Ce qui permettrait d'élargir l'accès au bio et d'augmenter ainsi les volumes vendus par la grande distribution et d'ouvrir les débouchés pour les producteurs. Bref, c'est un cercle vertueux. "Nous espérons que les consommateurs fassent pression et ne se laissent plus tromper", conclut Alain Bizot.
La Fédération du Commerce et de la Distribution a réagi, le mercredi 30 avril dans un communiqué. Elle estime que l'étude "est totalement partiale et ne reflète pas la réalité du marché des GSA (Grandes Surfaces Alimentaires, ndrl). En effet, contrairement aux conclusions de cette étude, le taux de marge brute sur les fruits et légumes bio est en moyenne équivalent à celui pratiqué sur les fruits et légumes conventionnels." Prouvez-le, rétorque l'UFC que-choisir qui dénonce l'opacité du système. Avec la FNAB (Fédération nationale d'agriculture biologique), elle demande à l'Observatoire des prix et des marges de mener une enquête sur le sujet.
Marina Fabre @fabre_marina