Publié le 13 février 2020
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Flygskam ou pas, les Européens n’ont jamais autant pris l’avion
Malgré l'urgence climatique, le trafic aérien ne s'est jamais aussi bien porté dans l'Union européenne. Il y a eu, en 2018, 1,1 milliard de passagers aériens transportés, un record et une hausse de 43 % en dix ans selon Eurostat. Signe que le flygskam, la honte de prendre l'avion, mouvement venu des pays du nord, n'affecte pas les Européens.

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Eurostat évalue à 1,1 milliard le nombre de passagers aériens sur le vieux continent en 2018. Une hausse de 6 % par rapport à 2017 et de 43 % en dix ans ! "Sur cette période [2010-2018, NDR] le transport aérien de passagers n’a pas cessé de croître dans l’Union européenne", écrit l’office. "En 2018, le transport intra-UE représentait quasiment la moitié (46 %) du transport aérien total de passagers dans l’UE et le transport extra-UE un peu plus du tiers (37 %), tandis que le transport national comptait pour moins d’un passager sur cinq (16 %)", ajoute Eurostat.
Ces statistiques remettent en perspective l’ampleur du "flygskam". Ce phénomène traduit par "la honte de voler" vient tout droit de Suède, pays de la militante écologiste Greta Thunberg. C’est d’ailleurs au moment où la jeune activiste a émergé sur la scène médiatique que ce phénomène de boycott des avions a pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux. À tel point que l’opérateur Swedavia AB qui gère plusieurs aéroports, dont les deux plus gros du pays, a attesté d’une chute de son trafic pour la première fois en 10 ans. Mais cette tendance n’est qu’un épiphénomène.
La honte de prendre l'avion "un désir et non une réalité"
"La "honte de prendre l'avion" est malheureusement un désir (de ceux qui voudraient voir le transport aérien baisser) et non une réalité : jamais les Européens n'ont autant pris l'avion... et la hausse est particulièrement marquée dans les pays de l'Est", remarque sur Linkedin Jean-Marc Jancovici, président du think tank Shift Project. Malgré cette hausse, la pression citoyenne fait tout de même son effet. En Europe, le secteur aérien tente de se verdir. Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire veut ainsi créer une filière de biocarburants pour les avions. L’objectif est de passer de 2 % de biocarburants durables à la place du kérosène en 2025 pour atteindre 50 % en 2050. Le secteur aérien britannique mise, lui, sur la neutralité carbone à la même date.
Du greenwashing pour les ONG environnementales mais aussi pour le très sérieux Financial Times qui titre : "La seule façon d’atteindre une aviation "net zéro" d’ici 2050 est d’arrêter de voler". Et Julian Allwood, professeur d’ingénierie et d’environnement à l’université de Cambridge de poursuivre dans les colonnes du journal économique : "L’expérience passée en matière d’innovation dans l’aviation suggère que ces objectifs ambitieux sont irréalistes (…) Cessons de placer des espoirs impossibles sur les technologies révolutionnaires et essayons d’atteindre les objectifs d’émissions avec les technologies d’aujourd’hui."
Marina Fabre, @fabre_marina