Publié le 10 août 2017
SOCIAL
Danger sanitaire, traçabilité, défaut d’alerte européen… Cinq questions sur les oeufs contaminés au fipronil
[Mis à jour le vendredi 11 août 2017] Depuis le 20 juillet, la Belgique et les Pays-Bas ont alerté sur le fait qu’une partie de leur production d’œufs a été contaminée par un antiparasitaire, le fipronil, interdit en dans la chaîne alimentaire. La France a été informée de livraison de lots contaminés dans ses frontières, le 5 août dernier. Le 11 août, l'Agence sanitaire française assurait que le risque pour la santé est très faible.

@nguirescu
Y a-t-il un danger pour la santé ?
Le fipronil est un produit considéré comme modérément dangereux par l’OMS (Organisation mondiale de la santé). "Compte tenu des teneurs (de fipronil) mesurés, une consommation normale d’œufs, 1 à 2 œufs par jour, ne présente aucun danger, y compris chez les enfants", assure le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, s’appuyant sur les premières données de l’Anses (Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale). Selon Patrick Dehaumont, à la tête de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), la toxicité du produit est d’autant plus amoindri que les industriels ont mélangé les œufs contaminés avec des œufs issus de production saine, assurant une importante dilution.
Une étude de l'Anses publiée le vendredi 11 août conclut que "en cas de dépassements des niveaux de consommation maximale d’œufs ou de viande de poulets contaminés identifiés par l’Agence, le risque ne peut être exclu. Cependant, compte tenu des concentrations de fipronil observées à ce jour dans les produits contaminés, et considérant la caractérisation des dangers de cette substance, le risque de survenue d’effets sanitaires apparaît très faible". L'agence publie en parallèle un tableau indiquant le nombre maximum d'œufs à consommer sans risque.
Y a-t-il eu des produits contaminés mis sur le marché ?
Oui, mais difficile encore de savoir combien. "Il est probable que des œufs ont déjà été transformés", assure Stéphane Travert. Même si tous les lots contaminés ont été bloqués dès que le gouvernement a eu connaissance de la situation, une partie des lots avaient déjà servi à la fabrication de produits finaux et expédiés. Il peut s’agir de brioches, de viennoiseries, de flans… Le ministre précise toutefois que la contamination ne concerne pas les œufs coquilles vendus en boîte. De même, les poulets de boucheries et de rôtisseries ne sont pas concernés.
Quelles entreprises ont reçu des ovoproduits contaminés ?
Si cinq casseries d'œufs sont concernés, impossible encore de savoir combien d’entreprises (boulangeries, restaurants, enseignes de distribution…) ont reçu des produits contaminés. C’est tout le travail des 4 600 agents de terrain du ministère de l’Agriculture. Ils vont devoir établir la traçabilité aval et amont des lots reçus par les usines de transformation. En ce sens, les pouvoirs publics demandent l’aide des industriels. Le ministre a d’ailleurs souligné le rôle de "l’éleveur responsable" qui a, dès le début de la crise, signalé qu’une partie de sa production était contaminée en raison de l’utilisation de fipronil par son fournisseur. Une fois les produits identifiés, le gouvernement décidera de les retirer ou non du marché, selon les résultats de l’étude de l’Anses.
Y a-t-il eu des malversations ?
La contamination des œufs pondus en Belgique et aux Pays-Bas est liée à la falsification d’un antiparasitaire, le DEGA16, qui contenait du fipronil. Or ce dernier produit est interdit dans la chaîne alimentaire en Europe. Quant au DEGA 16, il est pour sa part interdit en France. "Il y a eu des falsifications en Belgique, mais il n’y a pas de suspicions en France", assure Jean-Louis Gérard, directeur de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Toutefois, une enquête nationale (réalisée par les services de l’État) a été lancée afin de vérifier l'éventualité que des élevages aient été traités avec le fipronil, assure le ministère de l’Agriculture.
Y a-t-il eu un défaut d’alerte en Europe ?
C’est ce que craint le ministre Stéphane Travert. La découverte du problème en Belgique date du 20 juillet, mais la France n’a été prévenue d’avoir reçu des lots contaminés, à travers le RASFF (réseau d’alerte européen), que le 5 août. Le ministre juge "qu’à partir du moment où il passe quelques jours pour transmettre une information entre deux États membres voisins et habitués à travailler ensemble, il y a des questions qui se posent". Il ajoute : "Je vais solliciter une réunion avec la commission européenne sur les échanges d’informations entre les États membres pour plus de transparence et de coopération". Le manque de transparence pourrait être plus grave que ne le soupçonne le ministre français si les allégations de son homologue belge se confirment. Selon ce dernier, les Pays-Bas auraient été au courant de problème de contamination depuis novembre 2016, une accusation réfutée par Amsterdam.
Ludovic Dupin @LudovicDupin