Publié le 03 juin 2016

SOCIAL

Revenu de base : et ailleurs dans le monde ?

De nombreux pays ou provinces testent ou s’apprêtent à tester le revenu de base. C’est le cas de la Finlande ou des Pays-Bas en Europe, mais aussi de la Namibie en Afrique, ou encore d’un célèbre incubateur californien de la Silicon Valley. Petit tour du monde des différentes initiatives.

En Suisse, les militants du revenu de base inconditionnel ont versé des milliers de pièces de 5 centimes devant le palais fédéral lors du dépôt des 126 000 signatures permettant un référendum d'initiative populaire.
Avec l'aimable autorisation de l'association suisse Génération rbi (www.rbi-oui.ch)

Ce dimanche 5 juin, le peuple suisse est invité à se prononcer sur l’instauration d’un revenu de base pour tous. 126 000 signatures favorables à cette initiative avaient été récoltées dès octobre 2013, dépassant le seuil minimal pour obliger le gouvernement helvète à organiser cette votation.

La proposition est simple : 2 300 euros mensuels pour un adulte et 600 euros par enfant. Une allocation donnée sans condition ni contrepartie, accordée aux nationaux comme aux étrangers en situation régulière, qui remplacerait les aides sociales existantes.

Le processus a été engagé par des citoyens de toutes tendances politiques, très investis au sein de Génération RBI (pour Revenu de base inconditionnel). Pour eux, il s’agit de proposer "au peuple suisse d’engager le débat sur la valeur actuelle du travail, son rapport à l’argent, la croissance, la société de consommation, l’écart entre richesse et pauvreté, la précarité et enfin, pourquoi pas, le principe du droit à une vie digne et épanouie, indépendamment de toute valeur marchande". 

Un sondage publié en janvier dernier montre que 53% des personnes interrogées passeraient plus de temps avec leur famille, 54% aimeraient poursuivre leurs études, 40% voudraient se consacrer à des activités bénévoles, tandis que 22% souhaiteraient créer une entreprise ou devenir travailleur indépendant. Seulement 2% des personnes ont répondu qu’ils arrêteraient de travailler.

Fin septembre, le Parlement suisse a voté une résolution invitant les citoyens suisses à rejeter l’initiative populaire proposant le revenu de base. Ses arguments ? Une mesure difficile à financer et qui favoriserait le chômage. D'après un dernier sondage, 71% des Suisses y sont également opposés.

 

Tests aux Pays-Bas, en Finlande et en Inde

 

Mais l’utopie semble devenir peu à peu réalité ailleurs en Europe. Ainsi, le revenu de base va être testé dans plusieurs villes pilotes des Pays-Bas, sur de petits échantillons. Une trentaine d’entre elles seraient intéressées.

C’est le cas par exemple d’Utrecht, 4ème ville du pays, où 300 citoyens, au chômage ou bénéficiaires des minimas sociaux, participent à l’expérience. Parmi eux, 50 percevront 900 euros par mois pour un adulte seul (ou 1300 par foyer) quel que soit leur situation (emploi ou non), tandis que les autres devront respecter des règles de recherche d’emploi. Le but est de vérifier si le dispositif encourage l’assistanat ou non.

La Finlande testera également le revenu universel sur un groupe limité de citoyens, à partir de janvier 2017. Fixé pour l’instant autour de 550 euros par mois, il devrait être généralisé à tous les Finlandais et passer à 800 euros. La proposition finale sera présentée par le gouvernement, de centre-droit, en novembre. L’objectif est de remplacer l’ensemble des allocations versées par l’État.

Ailleurs dans le monde, le revenu de base fait aussi son chemin.

En Namibie, une expérimentation menée en 2008 et 2009 a démontré des améliorations sur les plans du chômage, de la scolarisation, de la sécurité alimentaire ou encore de la création de micro-entreprises. Le gouvernement envisage très sérieusement de le généraliser.

En Inde, des projets pilotes sont en cours dans des villages ruraux depuis janvier 2011. Près d'un an après le début de l'expérimentation, celle-ci a montré des résultats positifs sur la nutrition, la santé, l'éducation, les infrastructures et l'activité économique.

Et la province canadienne de l’Ontario a elle aussi annoncé, fin février, lors du vote de son budget annuel, qu’elle allait "travailler avec les chercheurs et les communautés […] pour déterminer la meilleure façon de concevoir et d’implémenter un revenu de base pilote". 

 

La Silicon Valley aux aguets

 

C’est déjà au Canada, à Dauphin (10 000 habitants), que le concept de revenu de base a été expérimenté pour la première fois. Pendant cinq ans, entre 1974 et 1979, les familles qui avaient un revenu trop bas bénéficiaient d'une allocation fixe. Le programme s'est avéré une réussite. Il a contribué à réduire le niveau de pauvreté de la ville et, si le nombre d'heures travaillées a chuté, c’était au profit d'études et de congés maternité plus longs. Le projet est finalement abandonné, faute de moyens.

Autre pionnier : l’Alaska. Grâce à l'Alaska Permanent Fund, un fonds souverain dont le capital repose sur les revenus miniers et pétroliers de l'État, un dividende universel est versé le 30 juin de chaque année à chaque habitant de l’État nord-américain depuis… 1982. En 2014, son montant s’élevait à 1 700 euros, soit un peu plus de 140 euros mensuels.

Et ce courant autour du revenu de base fait également des émules au sein même de la Silicon Valley. Y Combinator, un incubateur de start-up – il a lancé des entreprises aussi connues qu’Airbnb ou Dropbox –  croit dur comme fer en l’avenir du revenu de base. Il va verser à une centaine de familles d'Oakland un revenu minimum, compris entre 1 000 et 2 000 dollars, pendant six mois à un an. Toutes les données, sur le bonheur, le bien-être, l’épanouissement, la création d’entreprises… seront compilées lors de ce premier test pour éclairer une seconde étude, d'une durée de cinq ans cette fois.

Pour le président de l’entreprise, Sam Altman, il s’agit d’une réponse à la destruction des emplois causée par les progrès technologiques. "Je suis sûr qu'à un certain moment dans le futur, quand la technologie continuera d'éliminer les emplois traditionnels, nous verrons la naissance d'un revenu de base au niveau national."

Concepcion Alvarez
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