Le premier plan social lié - en partie - à l’intelligence artificielle en France. Voici ce qui attend les salariés d’Onclusive, entreprise leader de la veille, l’analyse et la gestion des relations presse. D’abord prévenus par le siège Londonien à travers un simple mail, les employés du bureau français ont eu confirmation le 14 septembre suivant de la vague de licenciements envisagée par la société lors d’une visio-conférence animée par son PDG, Rob Stone. Ce dernier, arrivé à peine un an plus tôt à la tête d’Onclusive, a alors détaillé la nouvelle stratégie poursuivie par le groupe de communication, centrée autour de l’intelligence artificielle (IA).

Afin "d’optimiser le service" apporté à ses clients, Onclusive aura désormais "recours à des capacités d’automatisation et de digitalisation sophistiquées pour reproduire des tâches manuelles", peut-on ainsi lire dans un communiqué. "Cela inclut l'apport de l'intelligence artificielle, mais aussi la modernisation significative de nombreux systèmes et infrastructures obsolètes hérités de nos sociétés fondatrices", explique Matthew Piercy, Président de Reputational Intelligence France chez Onclusive, dans un second document. L’entreprise est en effet le fruit d’une fusion finalisée en 2022 entre trois firmes, dont la branche Reputation Intelligence de Kantar.

En conséquent, Corinne Foucault, Directrice générale France, évoque "un projet de réorganisation de [la] société, accompagné d’un plan de licenciement." Les limogeages, qui devraient s’achever en juin 2024, concernent 209 postes sur un total de 447, uniquement en France. Certains services, comme la veille médias pourraient disparaître quasiment en totalité. Sur l’ensemble des effectifs internationaux du groupe, le plan représente une réduction de 13% du personnel. La direction, qui met en avant la création en parallèle de 23 emplois, s’engage "à soutenir [les employés concernés] dans le cadre d'un processus de transition réfléchi", affirme Matthew Piercy.

Mais pour les salariés, l’annonce ne passe pas. "Ils nous considèrent comme des "briques humaines" devenues obsolètes et prêtes à être remplacées par l'IA", témoigne un délégué du personnel interrogé par La Tribune. "Le plus choquant est que l'outil qui nous remplacera n'est même pas encore prêt. Onclusive se lance sans filet de sécurité dans un pari technologique dont on peut douter de la pertinence, tant nos métiers sont plus complexes qu'il y paraît, tout en sacrifiant des personnes", ajoute un élu. Les syndicats soulignent par ailleurs l’ancienneté, de 18 ans en moyenne, et l’âge des employés licenciés, questionnant leur possible réinsertion. 

"Derrière ce prétexte de "mutation technologique", il y a surtout la volonté d’économiser de l’argent en réduisant les effectifs et les coûts de production. Se cache également une délocalisation à Madagascar, avec la reprise de revues de presse", indique la secrétaire du CSE de l’entreprise mentionnée par France 3 Île-deFrance. Mais peut-on alors y voir l’annonce d’une "nouvelle ère", comme l’affirment les syndicats ? "Je mesurerais un peu le propos, répond à Novethic Marvin Wirth, Directeur marketing France de la plateforme Agentco. L’IA est aujourd’hui utilisée pour de l’automatisation. Dès l’instant où il y a de la réflexion, elle ne peut pas être engagée. Dans le cas d’un licenciement de cette ampleur, elle ne peut pas être la seule explication."

Reste qu’Outre-Atlantique, l’essor de l’intelligence artificielle a d’ores et déjà eu des impacts sur l’emploi. En avril 2023, le service de stockage en ligne Dropbox annonçait remercier 500 salariés pour pouvoir, entre autres, investir dans le développement de l’IA. Fin 2022, un sondage mené sur 1 000 entreprises américaines révélait que plus de la moitié d’entre elles prévoyaient "certainement" ou "probablement" des licenciements dans les cinq ans à venir suite au déploiement de ChatGPT au sein de leurs activités.

Florine Morestin