Publié le 17 février 2022
SOCIAL
Des bureaux dans le métaverse : comment la pandémie a bouleversé notre rapport au travail
Alors que la vague de la Grande démission déferle sur les États-Unis, le rapport au travail des Français a été transformé par le Covid-19. La centralité du travail a été remise en cause au profit d'un meilleur équilibre vie privée - vie professionnelle qui passe notamment par du télétravail. Pour concilier les attentes des salariés sans perdre du lien social, certaines entreprises misent désormais sur le métaverse.

Florent de Lécluse
Et si le métaverse était le mode de travail du futur ? Si nos bureaux, nos collègues, se retrouvaient transposés dans ce monde virtuel ? C’est ce que vit déjà Florent de Lécluse, directeur technique de Zetoolbox, une société qui accompagne les TPE et PME dans leur transformation digitale. "Dans notre entreprise, on a des salariés assez éparpillés, dans plusieurs villes ou pays. On ne trouvait pas satisfaisant de faire des réunions Teams ou Zoom en 2D. On a donc tenté la 3D avec le métaverse. On a créé un monde virtuel, un peu comme les Sims, avec des avatars, des espaces de bureaux, une machine à café, des chaises, des tables de poker… Cela nous a permis de retrouver les échanges informels qu’on avait perdus", explique ce spécialiste du no-code.
Bill Gates, le fondateur de Microsoft, est lui aussi persuadé que nos échanges professionnels passeront à l'avenir par le métaverse. Il a ainsi déclaré en décembre dernier que d’ici deux ou trois ans, la plupart des réunions se dérouleraient sur ce monde virtuel présenté comme une extension de la vie physique. "Il reste encore du travail à faire, mais nous approchons d’un seuil où la technologie commence à reproduire véritablement l’expérience d’être ensemble au bureau", a-t-il expliqué. Les géants de la tech s'y mettent aussi. Alors que Facebook s’est récemment rebaptisé Meta en référence à cette nouvelle forme d’Internet, Microsoft introduit petit à petit des touches de Métavers dans son logiciel Teams, notamment via des avatars.
"Si on supprime le télétravail, je démissionne"
Ces bureaux dans le métaverse pourraient ainsi être la réponse aux nouvelles attentes des salariés. Ces-derniers exigent désormais que leur employeur prenne à bras le corps certains sujets. "Pour éviter les départs et les désengagements futurs, les entreprises et organisations doivent renforcer leur politique de santé psychologique et qualité de vie au travail. Le lien entre santé mentale dégradée et risque de départ est clair", note Christophe Nguyen, président d’Empreinte Humaine.
Par qualité de vie, les salariés entendent notamment télétravail. Si ce mode de travail imposé à temps plein pendant le confinement a eu des effets délétères sur leur santé mentale, près de 40 % des salariés affirment que, si une fois la crise sanitaire terminée, leur employeur leur impose d’être présent au bureau tous les jours, ils pourraient démissionner.
"J’ai gagné en confort de vie. J’ai le temps d’aller au sport ou de faire la cuisine. Supprimer le temps de trajet permet de mieux concilier ma vie personnelle de ma vie professionnelle. Clairement, si aujourd’hui on me supprimait mes 2 jours de télétravail, j’aurai beaucoup de mal à l’accepter", témoigne Juliette*, cadre dans le secteur de l’immobilier. Si l’impression de Juliette est partagée par beaucoup de salariés, d’autres craignent que le télétravail, surtout après l’expérience forcée du confinement, ne vienne perturber leur relation avec leurs collègues. 6 salariés sur 10 trouvent que les rituels d’équipe ont ainsi disparu. D’où l’idée de plusieurs entrepreneurs de se tourner vers le métaverse.
"Les salariés ont remis en question la centralité du travail"
Depuis la pandémie, force est de constater que le rapport au travail a été complètement chamboulé. Aux États-Unis, cela se traduit par une vague de démissions baptisée The Great Resignation. En 2021, ils sont 40 millions à avoir démissionné, un record. Des signes avant-coureurs dessinaient déjà ce mouvement. En décembre, dans un sondage, un quart des salariés américains disaient vouloir quitter leur poste. Or, le dernier baromètre d’Empreinte Humaine et Opinion Way évoque le même phénomène en France. 31 % des salariés interrogés dans ce sondage souhaitent ainsi activement rechercher un autre emploi après la crise.
"Il y a une différence entre l'intention et l’action", relativise Christophe Nguyen. "Mais cela signifie qu'il y a un problème. La pandémie a été longue et traumatogène. Près de 60 % des sondés ont changé leurs priorités dans la vie. Ils ont remis en question la centralité du travail", explique le psychologue du travail. Si la vague de la Grande démission n’a pas déferlé sur la France, l’économiste Philippe Crevet note deux signes marquants : la hausse des ruptures conventionnelles et celle des emplois vacants dans plusieurs secteurs.
Marina Fabre Soundron @fabre_marina