Publié le 10 novembre 2023
POLITIQUE
Le Conseil d’État annule la dissolution des Soulèvements de la Terre, estimant que c'était une "décision disproportionnée"
La décision du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui voulait en finir avec les Soulèvements de la Terre via leur dissolution, n’était ni "nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée". C’est l’avis du Conseil d’État qui a annulé la dissolution du collectif jeudi 9 novembre en application du droit français qui garantit constitutionnellement la liberté d’association. Cela remet clairement en cause les accusations "d’éco- terrorisme" sur lesquelles reposait la dissolution. Une victoire pour le mouvement et ses soutiens.

@capture d'écran compte X Les Soulèvements de la Terre
"Nous ne sommes pas dissous", clame le compte officiel des Soulèvements de la Terre (SLT). Le collectif remercie tous les soutiens dont il a bénéficié et les dizaines de milliers de personnes qui l'ont rejoint depuis l’annonce de sa dissolution par le ministre de l’Intérieur en mars dernier. Gérald Darmanin entendait contrer l’écologisme radical qu’il accusait de tous les maux au point de parler d’"éco-terrorisme" à propos de la manifestation de Sainte-Soline contre les méga bassines qui avait dégénéré.
Les réactions se sont multipliées à propos de cette décision, en tendance sur X/Twitter tout l’après-midi, avec une tonalité dominante. La décision du Conseil d’État est considérée comme une victoire pour le mouvement et une défaite pour Gérald Darmanin. Les Soulèvements de la Terre ont choisi l’humour pour tourner en dérision cette dissolution finalement invalidée et souligner sa disproportion.
Culte ! @GDarmanin et la dissolution des Soulèvements de la terre ! pic.twitter.com/WTwqnMOenj
— Les Soulèvements de la Terre (@lessoulevements) November 9, 2023
Ils vont même jusqu’à considérer qu’en "utilisant l'argument de l'absence de proportionnalité entre les actions du mouvement et la violence d'une dissolution, le Conseil d'État confirme, à notre sens, l'idée que face au ravage des acteurs privés, de l'agriculture intensive, de l'accaparement de l'eau, nos modes d'actions puissent et doivent être considérés comme légitimes."
"Ni adapté, ni nécessaire, ni proportionnel" de le dissoudre
Ce n’est pas vraiment ce que dit le Conseil d’État qui a rendu un avis nuancé, très intéressant à lire intégralement selon l’avocat spécialiste de l’environnement Arnaud Gossement.
Le @Conseil_Etat annule le décret de dissolution du "groupement de fait" #LesSoulèvements de la Terre au terme d'une décision très nuancée qui mérite d'être lue jusqu'au bout avant de parler de victoire ou de défaite 1/..https://t.co/CbyH4yqXkJ
— Arnaud Gossement (@ArnaudGossement) November 9, 2023
Le juge administratif estime que les Soulèvements de la Terre sont bien un groupement de fait dont il peut être légitime de surveiller les membres d’autant plus s’ils appellent à détruire des biens. En revanche il n’est ni "adapté, ni nécessaire, ni proportionnel à la gravité des troubles à l’ordre public" de le dissoudre d’autant plus qu’il "n'est pas démontré ni soutenu que les SLT seraient les auteurs de provocations explicites à la violence contre les personnes". Exit les "éco-terroristes" !
La portée la plus importante de la décision du Conseil d'État concerne la défense de la liberté d’association. Il estime que la dissolution "porte une atteinte grave à la liberté d’association, principe fondamental reconnu par les lois de la République". C’est très important pour les associations dont les modes d’actions visent à interpeller. Elles se sentaient menacées par la dissolution reposant sur une lecture extensive de la loi sur le séparatisme de 2021.
Dernier conflit symbolique en date, le projet autoroutier d’A69 dans le Tarn, met en cause les mêmes enjeux sur la légitimité d’une action au regard de la nature, versus sa légalité et de son impact auprès des populations. Le débat sur ce thème devrait s’intensifier mais la décision du Conseil d'État consacre l’idée que les militants ont tout à fait le droit de s’organiser en mouvement de protestation, à condition de rester dans un cadre légal. La dissolution des Soulèvements de la terre faisait planer l’idée que s’opposer au modèle dominant était en soi tellement grave que cela justifiait l’interdiction d’un mouvement.
Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic