Publié le 28 août 2023

POLITIQUE

L'été de tous les dangers climatiques ne pénètre pas le champ politique, en France comme ailleurs

Des universités d'été des partis EELV et LFI ont retiendra la polémique autour du rappeur Médine et la proposition de Ségolène Royal pour prendre la tête d'une liste de gauche. Autour des réunions organisées par Gérald Darmanin ou Éric Ciotti, il n’aura été question que des personnalités qui y participent. Le débat politique s’est vidé médiatiquement de sa substance à l’image des joutes entre candidats républicains en lice pour l’investiture des primaires américaines. L’urgence climatique n’est pas à l’agenda politique et pourtant c’est indispensable pour déclencher l’action et l’adhésion des citoyens. 

Universites d ete EELV aout 2023 rappeur medine LOU BENOIST AFP 01
La venue du rappeur Médine aux universités d'été d'EELV a été bien plus commenté que le sujet de fond qu'est la crise écologique.
LOU BENOIST / AFP

L’été 2023 a vu s’enchainer les catastrophes climatiques à une intensité et à une fréquence remarquables. Et pourtant, la rentrée politique 2023 semble indifférente à cette transformation majeure de l’environnement. Ce week-end était propice aux rassemblements politiques de rentrée. EELV tenait ses Journées d’été écologistes au Havre, LFI avait choisi Valence pour son université d’été AmFIS, Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, a organisé un rassemblement de ses soutiens à Tourcoing pendant qu’Éric Ciotti réunissait le parti LR au Cannet. Tous ces rendez-vous destinés à mobiliser les troupes et à se rappeler au bon souvenir des citoyens de retour de vacances, ont été largement couverts par les médias sous l’angle controverse et querelles de personnes.

Alors que l’été a été marqué par la sécheresse, les tensions autour de l’eau et les canicules, le climat et les solutions proposées pour s’adapter à ces changements spectaculaires n’ont pas passé la barre médiatique. Il suffit d’entrer #EELV sur X (ex-Twitter) pour constater que les messages des participants aux universités d’été du parti écologiste sont noyés sous ceux qui les prennent à partie sur les controverses autour du rappeur Médine. "Cette affaire a cannibalisé la rentrée du parti Vert à quelques mois des élections européennes alors qu’ils auraient pu jouer sur du velours avec les sécheresses, les canicules…", expliquait le politologue Frédéric Dabi dans l’émission C dans l’Air.

"Deux jours sur trois, il n’y a pas d’eau" à Mayotte

Côté LFI, ce sont les perturbateurs de la prise de parole de Marie Toussaint, tête de liste écologiste pour les Européennes, qui ont retenu l’attention. De même que la proposition surprise de Ségolène Royal de prendre la tête d’une liste d’union de la gauche pour les élections de juin prochain. Les conditions climatiques des meetings de Gérald Darmanin, qui lançait sa campagne pour 2027, et d’Éric Ciotti qui cherche à donner un nouveau souffle au parti républicain, étaient très différentes : soleil au Nord, orages au Sud. Mais là encore, pas plus d’informations sur des propositions concernant le climat ou l’eau.

Pourtant Gérald Darmanin s’était rendu à Mayotte en juin dernier où la crise de l’eau était déjà aiguë. Elle ne cesse de s’aggraver depuis comme le raconte cette habitante de l’île, Camille Déchin-Hervouet sur LinkedIn : "Deux jours sur trois, il n’y a pas d’eau. Le troisième il faut faire bouillir l’eau pendant cinq minutes pour espérer qu’elle soit potable". Elle ajoute : "en novembre-décembre, il n'y aura plus d'eau. Et on ne sait pas ce qu'il va se passer pour les 300 000 Français qui habitent ici."

Le décalage entre le discours politique tel qu’il est médiatisé et les réalités environnementales auxquelles sont confrontés les électeurs progresse, en France mais aussi aux États-Unis ou au Canada. Une des conséquences est de voir prospérer, en particulier sur les réseaux sociaux, des opinions climato-sceptiques contribuant à freiner toute action à la hauteur de l’urgence alors que les évènements devraient provoquer l’effet inverse.

"Le changement climatique est un canular"

Le débat entre les candidats aux primaires républicaines des États-Unis en est une illustration. Organisé par Fox News, il opposait les huit candidats, hors Donald Trump, dont ils avaient tous repris le costume bleu et la cravate rouge. La journaliste a demandé à ceux qui croient que le réchauffement climatique est provoqué par l’homme de lever la main. Un seul le fait franchement. Asa Hutchinson, ancien gouverneur de l'Arkansas et avant-dernier dans les sondages. Les autres tentent d’évacuer la question.

L’homme d’affaires Vivek Ramaswamy, déjà accusé de propager des thèses complotistes, déclare tranquillement que "le changement climatique est un canular". Il a son équivalent au Canada : le dirigeant du Parti Populaire, ancien ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier. Il a semé le doute en juin dernier sur les origines des méga-feux qui ne sont toujours pas éteints quelques semaines plus tard. Il bataille en outre depuis la crise du Covid contre les mesures sanitaires. 

Il ne faut pas négliger l’impact de ce miroir déformant de l’opinion publique que tendent les réseaux sociaux aux citoyens des démocraties. Première conséquence, ils sont de plus en plus nombreux à s’abstenir. Seconde conséquence, leur influence sociale brouille à grande échelle le message sur l’urgence climatique. Si la conscience et l’expérience de l’urgence climatique grandissent, cela ne permet pas à la société et aux dirigeants politiques de s’emparer vraiment du sujet.   

Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic


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