Publié le 06 juillet 2022
POLITIQUE
Élisabeth Borne défend sa "radicalité écologique" sans décroissance et avec nationalisation d’EDF
Dans son discours de politique générale, la Première Ministre, Élisabeth Borne, a engagé la bataille des mots pour le climat. Elle a revendiqué une "radicalité écologique", terme jusqu’ici utilisé dans les cercles engagés tout en refusant la "décroissance". Elle a donné très peu d’éléments concrets sur sa vision de la "planification écologique", à une exception près le projet de renationalisation d’EDF pour porter le programme nucléaire français présenté comme une "solution décarbonée".

BERTRAND GUAY / AFP
Tonalité musclée pour un discours de politique générale d’une heure au cœur duquel Elisabeth Borne a placé "la valeur travail" priorité cardinale pour elle. Quant à la transition écologique dont elle est la planificatrice en chef, Elisabeth Borne la veut "radicale". Elle a repris à son compte ce terme engagé dans son discours de politique générale du 6 juillet pour signifier qu’elle entendait "bâtir ensemble des réponses radicales à l’urgence climatique et engager des transformations radicales dans nos manières de nous loger, de nous transporter".
Au-delà de cet engagement préliminaire la "radicalité" portée par Elisabeth Borne n’est pas celle que décrivait l’ingénieur Vincent Liegey dans La Croix en septembre dernier : "La radicalité, dans l’origine même du mot, consiste à prendre les problèmes à leur racine. Nous sommes à un carrefour entre un modèle de production et de civilisation à bout de souffle et des alternatives qui ont commencé à émerger, comme la décroissance". Or pour Elisabeth Borne c’est bien la croissance et la valeur travail qui amèneront sa transition écologique qu’elle décrit ainsi sur le principe : "Je ne crois pas que cette révolution climatique passera par la décroissance. Au contraire, la révolution écologique que nous voulons mener, ce sont des innovations, des métiers d’avenir, un modèle social préservé".
Une transition basée sur un mix décarboné avec du nouveau nucléaire
La Planification écologique dont Elisabeth Borne a la charge reste floue. Elle a simplement annoncé que pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2030, "chaque ministre aura une feuille de route climat et biodiversité". Les ministres et hauts fonctionnaires devraient d’ailleurs recevoir une formation sur ce thème. Sur l’énergie, la Première Ministre a fait une seule grande annonce : L’Etat français a bien l’intention de renationaliser EDF pour mener à bien son programme nucléaire auquel elle a fait allusion sans donner de précision. Cette nouvelle a fait bondir le cours d’EDF de 7,45 € l’action à 9 € qui en avait bien besoin puisque la veille il avait plongé à la suite de l’annonce par EDF d’un plan destiné à s’adapter à la sécheresse de l’été français qui compromet le bon fonctionnement des centrales.
Sur ce thème comme les autres Elisabeth Borne a annoncé vouloir lancer des chantiers de concertation pour multiplier les lois de programmation et d’orientation dont elle a laissé imaginer qu’elles se négocieraient pied à pied avec les oppositions. "Dès le mois de septembre, nous lancerons une vaste concertation en vue d’une loi d’orientation énergie-climat", a-t-elle précisé ajoutant qu’il y en aurait aussi une sur l’agriculture.
Un mode d’emploi à préciser
Défendant une "écologie de progrès", Elisabeth Borne a dit vouloir faire du ferroviaire la "colonne vertébrale" de la mobilité durable. Elle a également appelé à "consommer moins" en matière d’énergie car "nous ne pouvons pas faire croire que les décisions unilatérales de la Russie nous épargneraient", citant ainsi MaPrimeRénov’, le dispositif du gouvernement pour la rénovation thermique des bâtiments. Mais elle est restée sur des grands principes et des grandes idées repoussant à plus tard des propositions concrètes sur leur mise en musique. Côté entreprises, elle a rappelé la volonté de limiter la fiscalité mais fait appel à l’impératif d’exemplarité des chefs d’entreprise qui, dans le domaine gouvernemental devrait se traduire par une loi qui lierait "rémunération des dirigeants et atteinte des objectifs environnementaux des grandes entreprises".
Ceux qui attendaient des lignes claires sur le projet porté par Emmanuel Macron pour son second mandat sont restés sur leur faim tant Elisabeth Borne a voulu s’inscrire dans la continuité du premier. Elle l’a mis en exergue pour crédibiliser son action climatique mais aussitôt les députés d’opposition lui ont rappelé que la France avait par deux fois été condamnée pour son inaction climatique. Elle sera donc très attendue sur la "radicalité" de son action, elle qui ne veut être jugée que sur ses résultats.
Anne-Catherine Husson Traore, directrice générale de Novethic, @AC_HT et la rédaction