Publié le 16 décembre 2020

NUMÉRIQUE

L'Union européenne change de braquet face aux Gafam et les menace de lourdes sanctions

Une liste d'obligations et d'interdictions assortie de sanctions dissuasives en cas de non-respect. L’Union européenne a monté le ton pour imposer sa loi aux géants du numérique, les GAFAM, accusés d'abuser de leur pouvoir. Pour l’Europe, il s’agit aussi de faire émerger des acteurs numériques locaux, avec déjà de premières réactions contrastées.

Thierry breton Commission europeen EuropeanCommission
Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur.
@Commissioneuropéenne

C'est un changement complet de philosophie. Après des années à courir en vain derrière les infractions de Google, Facebook ou Amazon dans les procédures interminables du droit européen de la concurrence, Bruxelles veut changer de braquet pour aller vite et agir avant que des dérives soient constatées. "L'objectif n'est pas de faire disparaître les grandes plateformes, mais de leur imposer des règles pour éviter qu'elles fassent peser des risques sur notre démocratie", a expliqué le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton.

L'exécutif européen va proposer deux législations complémentaires pour combler les failles juridiques dans lesquelles s'engouffrent les entreprises. Premier volet : le règlement sur les services numériques, plus connu son nom anglais Digital Services Act (DSA). Il doit responsabiliser l'ensemble des intermédiaires, mais davantage encore les plus grandes plateformes qui devront disposer des moyens pour modérer les contenus qu'elles accueillent et coopérer avec les autorités. Il représente une mise à jour de la directive e-commerce, née il y a 20 ans quand les plateformes géantes d'aujourd'hui n'étaient encore que de jeunes pousses ou n'existaient pas.

Transparence sur les algorithmes

Deuxième volet : le règlement sur les marchés numériques, Digital Markets Act (DMA), imposera des contraintes spécifiques aux seuls acteurs majeurs, une dizaine d'entreprises dont la toute-puissance menace le libre-jeu de la concurrence. Parmi eux, les cinq "Gafam" (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Ils se verront imposer des règles portant sur la transparence de leurs algorithmes et l'utilisation des données privées, au cœur de leur modèle économique. Ils devront notifier à la Commission tout projet d'acquisition de firme en Europe.

Les Gafam devront "changer significativement leur façon de procéder", a affirmé Thierry Breton, estimant que l'espace numérique doit profiter à toutes les entreprises, même les plus petites. À ces règles sont accolées des sanctions. Selon des sources européennes, elles iront jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires pour de graves infractions à la concurrence, et dans les cas extrêmes, pourront déboucher sur un démantèlement se traduisant par l'obligation de céder des activités en Europe.

Faire émerger des acteurs locaux

En matière de contenus illégaux en ligne, les amendes pourront atteindre 6 % du chiffre d'affaires. Une interdiction de poursuivre son activité en Europe pourra être imposée "en cas de manquement grave et répété ayant pour conséquences la mise en danger de la sécurité des citoyens européens". Ce projet sera encore négocié pendant au moins un an avec le Parlement européen et les États membres. Il intervient alors qu'aux États-Unis des procédures ont été lancées contre Google et Facebook, accusés d'avoir abusé de leur position dominante dans les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.

À l’ombre de ces nouvelles réglementations, Bruxelles attend un fonctionnement du marché numérique plus harmonieux et plus équitable qui favorise l'émergence d'acteurs sur le continent. Le fait est que le Vieux continent souffre d’une forte dépendance aux géants de l’économie numérique. Face à cette offensive, les mastodontes américains préparent un lobbying intense pour atténuer le projet. Le projet de la Commission risque d'aboutir à "des règles brutales et rigides ciblant la taille au lieu de sanctionner les conduites problématiques", estime Kayvan Hazemi-Jebelli, de La Computer and Communications Industry Association (CCIA) qui représente le secteur.

Ludovic Dupin avec AFP


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