Publié le 16 janvier 2015
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Les droits de l’homme, une préoccupation majeure des investisseurs responsables
Entreprises et Etats sont de plus en plus scrutés sur leurs performances relatives aux droits de l’homme. C’est ce qui ressort d’un évènement organisé par Novethic le 15 janvier. Les ONG, les agences de notation et les investisseurs veillent : ils multiplient les outils pour détecter efficacement et rapidement les dysfonctionnements en la matière. De quoi éviter les risques liés aux investissements dans les entreprises qui ne respectent pas les droits humains.

© Muniz Uz Zaman / AFP
La question des droits de l’homme devient incontournable pour les entreprises. En témoigne le développement d’une réglementation internationale de plus en plus exigeante. A travers, par exemple, les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme adoptés en 2011 et les réflexions en cours à l’ONU ou en France, sur le devoir de vigilance des multinationales vis-à-vis de leurs filiales et sous-traitants.
En dehors de toute réglementation contraignante, les investisseurs se montrent de plus en plus vigilants sur la question. L’un des plus importants gestionnaires d’actifs basés en Europe (607 milliards d’euros d’actifs sous gestion), Axa IM propose ainsi à des fonds de pension responsables des listes noires d’entreprises controversées sur la question des droits de l’homme. "On sent chez les entreprises et investisseurs la peur d’être la cible des ONG sur ces questions. Si on prend la question de l’huile de palme par exemple, les producteurs sont pointés du doigt sur le non-respect des droits de l’homme. C’est pourquoi nous allons systématiquement appliquer les principes du Global Compact pour tous les produits responsables du groupe sur les investissements dans l’huile de palme.", souligne Pascale Sagnier, responsable de la recherche ESG (environnementale, sociale et de gouvernance, NDLR) pour Axa IM.
Bientôt, un classement des entreprises selon les droits de l’homme
En 2016 devrait également voir le jour un classement des entreprises en fonction des droits de l’homme. Un projet aussi complexe qu’ambitieux mené par 6 organisations – des investisseurs (Aviva Investors, Calvert Investments, et VBDO une association danoise d’investisseurs responsables), une agence de notation (Eiris), un think tank (The Institute for human rights and business) et une ONG (Business and human rights Resource center) – regroupées au sein de Corporate Human Rights Benchmark.
Les 500 plus grosses entreprises mondiales de 4 secteurs clés (agriculture, information et communication, textile et industries extractives) seront ainsi évaluées, à l’image de ce qui se fait déjà par d’autres organisations sur des sujets plus restreints ; par exemple l’accès aux médicaments (Access to medicine index) ou les politiques d’approvisionnement des grandes marques de l’agroalimentaire ("behind the brands", un outil interactif réalisé par Oxfam).
"Les classements sont un levier très puissant pour faire bouger les lignes. Les principes directeurs de l’ONU ne sont pas pleinement assimilés par les entreprises au dans leurs pratiques quotidiennes. Ce type d’outil permet donc de s’assurer que les valeurs prônées sont bien effectives sur le terrain, de saluer les efforts et bonnes pratiques et de pointer du doigt les mauvaises", estime ainsi Peter Webster, le directeur général de l’agence de notation Eiris. Rappelons-nous, en 2014, la campagne d’Oxfam qui a poussé Coca Cola et Pepsi à s’engager sur une politique de tolérance zéro envers l’accaparement des terres.
Les Etats évalués sur 12 critères
Après les entreprises, ce sont les réglementations et pratiques des droits de l’homme par les Etats qui entrent de plus en plus dans le viseur des investisseurs responsables (voir l’étude de Novethic sur l’évaluation des Etats). En tant qu’ONG-investisseur, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) est particulièrement en pointe sur ce sujet. Tous les deux ans, elle publie une actualisation de son rapport relatif à l’évaluation extrafinancière des Etats membres de l’Union européenne. Les 28 pays y sont évalués selon 12 critères fondés sur les droits humains et 2 critères environnementaux, les deux aspects étant liés, selon la FIDH.
Cette étude permet notamment à l’ONG de sélectionner les pays dans lesquels sa Sicav éthique "Libertés et Solidarité" va pouvoir investir. Depuis 2001, l’ONG dispose en effet d’une société d’investissement destinée à la fois à soutenir financièrement son action et à inciter les entreprises à respecter les normes internationales en termes de droits économiques, sociaux, humains et environnementaux (fonds labellisé par Novethic). "Ainsi, seuls les 15 premiers pays du classement qu’elle a établi sont sélectionnés pour entrer dans la SICAV et les 5 premiers pays représentent 50% du fonds obligataire", précise la responsable du Bureau mondialisation et droits humains de la FIDH, Geneviève Paul.
Mais l’étude de la FIDH sur les Etats a un autre intérêt: elle permet de leur mettre une certaine pression. "Nous espérons que cette étude, grâce à sa méthodologie, aux données qu’elle présente, mais aussi en mettant en lumière celles encore non disponibles, contribuera au développement par les Etats d’indicateurs relatifs aux droits humains et à l’inclusion de ceux-ci dans les décisions d’investissement", souligne la FIDH.