Publié le 21 août 2018
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
La Fifa, minée par la corruption, revoit à la baisse son code éthique
Après un énorme scandale de corruption révélé en 2015, la FIFA avait promis plus de transparence et de sévérité. Or, en remettant à jour son code éthique, elle revoit à la baisse les critères pour corruption. Et ouvre même la chasse aux lanceurs d'alerte. De quoi ternir un peu plus son image.

Pixabay
Tout un symbole. Alors que la FIFA, Fédération internationale de football, est minée par les affaires de corruption, elle vient d’éradiquer purement et simplement le terme "corruption" dans la nouvelle version anglaise de son code éthique. C’est ce qu’a découvert l’agence britannique Associated Press en épluchant ce code modifié et mis en vigueur le 12 août.
La FIFA se défend et justifie un problème sémantique. Le terme "corruption" en anglais a été préféré à "bribery" dont la signification est presque similaire. Pour preuve, dans la version française, la notion a bien été maintenue. Débat clos ? Pas vraiment. Car derrière ces changements de forme, la FIFA a bien revu à la baisse la sévérité des sanctions pour corruption.
Musèlement des lanceurs d'alerte
Le nouveau code, qui vient remplacer celui de 2012, introduit un délai de prescription de 10 ans dans les affaires de corruption. Désormais, "la corruption, le détournement de fonds et la manipulation de matchs ou de compétitions de football ne peuvent plus être poursuivis après dix ans", stipule ainsi l’article 2.1.
Autre point controversé, l’ajout d’une nouvelle infraction pour diffamation. "Les personnes concernées par ce code sont interdites de déclaration publique de nature diffamatoire à l’encontre de la FIFA ou de ses représentants", précise l’article 22.2. Un musèlement des lanceurs d’alertes, estiment plusieurs spécialistes. "Bien que l’organisation encourage à la transparence et invite les gens à s’exprimer, la FIFA adopte une position autoritaire selon laquelle les personnes doivent rester silencieuses", a déclaré l’ancienne membre de la commission de gouvernance, Alexandra Wage.
Des négociations en interne pour plus d'opacité
Un très mauvais signal pour la FIFA qui avait promis, après les scandales de corruption, de faire le tri. "La nouvelle FIFA est une démocratie, pas une dictature. C’est une organisation transparente, profondément honnête", martelait Gianni Infantino, président de l’organisation mondiale du football. Une pique directe à Sepp Blatter, président de la FIFA pendant 17 ans inculpé pour "gestion déloyale" et "abus de biens sociaux". Il a été suspendu 6 ans par la Fédération pour un paiement controversé de 1,8 million d’euros à Michel Platini.
Et le nouveau code éthique laisse encore plus de place à l’opacité. Il permet désormais à la cheffe du comité d’éthique, Maria Claudia Rojas, de négocier, en interne, les affaires qui ne concernent pas la corruption ou la manipulation. Ce dispositif "pourrait ajouter une autre couche de trouble et de secret, en gardant les affaires cachées du public", estime Associated Press. La FIFA invoque, elle, une volonté de traiter plus rapidement les affaires de moindre envergure.
Marina Fabre @fabre_marina