Publié le 23 août 2023
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Feux apocalyptiques au Canada : Facebook accusé de mettre en danger la population
Alors que des milliers de personnes sont contraintes d’évacuer au Canada en raison des flammes qui ravagent le pays, le groupe Meta a décidé de ne plus partager les articles de médias sur Facebook et Instagram dont il est propriétaire. En cause : une nouvelle loi l’obligeant à mieux rémunérer les éditeurs de presse. Le Premier Ministre dénonce une décision "dangereuse" pour la population. Une campagne de boycott a été lancée.

PAIGE TAYLOR WHITE / AFP
C’est une représaille qui a dû mal à passer. Depuis le début du mois, Meta, la société-mère de Facebook, a décidé de bloquer les liens des articles de médias sur le réseau social, ainsi que sur Instagram, dont elle est également propriétaire. Concrètement, cela signifie que les informations des médias locaux ne sont plus relayées sur la plateforme. Si Meta a fait ce choix, c’est en réaction à une loi récemment adoptée qui oblige les géants du web à négocier une compensation pour les éditeurs de presse lorsque leur contenu est partagé. Une loi à laquelle s’est vivement opposée Meta, menaçant de bloquer le partage des informations.
Mais en pleine crise, au moment où les flammes ont déjà ravagé l’équivalent de la surface de la Grèce -la barre des 15 millions d’hectares brûlés a été franchie, plus du double que le précédent record datant de 1989 - la décision de Facebook est jugée "dangereuse" par le Premier ministre Justin Trudeau.
"Je veux souligner à quel point c’est une frustration pour moi (…) que Facebook continue de bloquer l’accès aux nouvelles locales sur les feux de forêt pour les Canadiens qui en ont besoin", a-t-il déclaré lors d’un point presse lundi 21 août. Meta "préfère laisser les personnes en danger plutôt que de partager ou de faire leur juste part pour appuyer la démocratie et le journalisme local", a-t-il ajouté pointant la supériorité des "profits" sur "le bien-être et l’information des Canadiens".
Faciliter les évacuations
Si la colère est forte du côté du Premier Ministre, c’est que Facebook pourrait permettre de faciliter les évacuations de milliers de personnes ou de partager des informations vitales à la population. Delaney Poitras, une habitante de Fort Smith contrainte d’évacuer, a ainsi témoigné auprès de CBC News son impossibilité de partager sur Facebook la conférence de presse couverte en directe par le média annonçant l’évacuation de la zone. Pour la Canadienne, les réseaux sociaux sont un maillon crucial pour le partage d’informations. "C’est ainsi que nous restons tous en contact", dit-elle.
De son côté, Meta affirme avoir activé la fonctionnalité Safety Check qui permet aux utilisateurs de signifier qu’ils sont en sécurité. 45 000 personnes l’auraient déjà utilisée au Canada. "Les Canadiens et Canadiennes continuent d’utiliser nos technologies en grand nombre pour entrer en contact avec leur communauté et accéder à des informations fiables, y compris le contenu des agences gouvernementales officielles, des services d’urgence et des organisations non gouvernementales", a indiqué un porte-parole de Meta au média canadien La Presse.
Pas de quoi calmer les critiques car, comme l’indique à Radio Canada Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine canadien en charge des négociations avec les plateformes, si la loi a été adoptée elle n’est pas encore entrée en vigueur. Elle le sera en décembre prochain. "Il n’y a aucune bonne raison qui justifie ces actions-là par Facebook", a-t-elle ajouté.
Campagne de boycott
En réaction le groupe les AMIS, mouvement citoyen qui défend la radiodiffusion publique et les médias canadiens a lancé une campagne de boycott contre les réseaux sociaux du groupe Meta les 23 et 24 août. "Meta doit comprendre que si nos nouvelles partent, nous partons aussi", écrit le groupe dans un communiqué. "48 heures peuvent sembler une éternité sur les médias sociaux, mais plus nous tenons, plus nous faisons souffrir Meta en les privant de leur bien le plus précieux : nos clics sur Facebook et Instagram".
Le 20 août, les autorités locales indiquaient que 330 000 personnes avaient reçu un ordre d’évacuation et 336 000 autres étaient en état d’alerte. Le Canada compte plus d’un millier de feux actifs dans le pays dont 650 ne sont pas encore maîtrisés. Une situation empirée par la crise climatique. Une nouvelle étude vient de montrer que le changement climatique avait rendu au moins sept fois plus probables les feux de forêt dans la zone.