Publié le 16 avril 2019

FINANCE DURABLE

L’investissement responsable teste la diffusion de masse : attention au crash test !

L’investissement responsable se développe à grande vitesse et commence à infuser dans le reste de la finance. Le pari est pourtant loin d’être gagné. La disparité des appellations en rend la lecture particulièrement complexe tant pour les épargnants que pour les commerciaux chargés de leur vendre ces produits. Et le manque de standardisation des mesures d’impact risque d’entamer la confiance des clients finaux.

écolabel européen pogonici
La lisibilité de l'offre d'investissement responsable sera cruciale pour que les épargnants parviennent à s'en saisir.
@Pogonici

Porté par de nouvelles réglementations et de nouvelles attentes, l’investissement responsable se généralise. Mais il part à la conquête des clients avec une offre confuse qui pourrait laisser perplexe clients et commerciaux chargés de sa diffusion dans les réseaux bancaires.

A son démarrage dans les années 2000, l’investissement responsable était une affaire de professionnels de la finance avec des sociétés de gestion qui offraient des produits ISR à des investisseurs institutionnels. Cela autorisait une certaine complexité de pratiques et de vocabulaire pour présenter ces démarches d’intégration de critères ESG dans la gestion d’actifs entre acteurs qui parlent le même langage.

La grande confusion des appellations non contrôlées

Avec la création des deux labels publics (ISR et TEEC) dès 2016, la France a voulu se donner les moyens de diffuser plus largement des produits financiers qui ne cherchent pas seulement des performances financières mais aussi environnementales et sociales.

Le plan d’action européen pour la finance durable d’abord, puis la loi Pacte sont venus accélérer le phénomène en mettant l’accent sur le client final. Celui-ci va ainsi se voir proposer des produits d’assurance vie répondant à des critères environnementaux et sociaux, bénéficiant de labels. Les distributeurs et leurs chargés de clientèle vont donc devoir expliquer aux épargnants, en termes simples, à quoi correspondent ces nouveaux types d'investissement. Sacré challenge car 65 % des Français interrogés par le Forum pour l’Investissement Responsable, à l’automne 2018, n’avait jamais entendu parler d’ISR...

Parmi les quelques 500 fonds distribués en France se réclamant de la finance durable, un peu plus de 200 ont un label ISR. Mais sous ce même label, les produits affichent des termes aussi différents que "durable", "responsable", "impact", "ESG" ou "ISR" ! Comble de la confusion, dans une cinquantaine de cas, il s’agit de fonds thématiques qui peuvent n’investir que sur l’environnement. 

Pour aider ses clients à y voir plus clair, Aviva a pris le pari de lancer une campagne de communication aux messages forts : l’assurance vie permet de respecter l’environnement, les droits humains et facilite l’accès à l’emploi. Des promesses fortes qui l’engagent à démontrer à ses clients en quoi les entreprises en portefeuille de ses 25 produits labellisés ISR contribuent à créer de la valeur économique, environnementale et sociale. 

Standardisation et mesure de l'impact : les prochains défis de l'ISR

Le moyen le plus simple semble être les indicateurs d’impact. Aujourd’hui laissés au libre choix des sociétés de gestion qui veulent obtenir un label, ils fleurissent dans la cacophonie. Cela rend difficile la compréhension de l’impact du produit financier et quasi impossible la comparabilité entre plusieurs fonds sur des critères d’impact. De plus, les indicateurs existants sont essentiellement axés sur le climat, domaine dans lequel les entreprises fournissent le plus de données permettant de calculer quel volume d’émissions de gaz à effet de serre elles réduisent ou évitent.

Pour complexifier le tout, de très grosses sociétés de gestion comme Amundi, AXA IM ou plus récemment BNP Paribas AM ont annoncé qu’elles étendaient la prise en compte des critères ESG à l’ensemble de leur gestion d’actifs -et donc à tous leurs produits- avec un calendrier allant de 2019 à 2021. Elles font ainsi de la finance durable un standard de marché et non plus seulement la somme de produits estampillés comme tels. Or, là encore, les dispositifs envisagés sont très variables dans leur niveau d’ambition et leur capacité de transformation.

Adossées à de grandes groupes bancaires et assurantiels, ces sociétés de gestion vont pouvoir distribuer massivement à leurs clients des produits financiers assortis de promesses permettant de financer la lutte contre le changement climatique ou la protection de l’environnement. Il faudra alors être en mesure d'expliquer en quoi les entreprises en portefeuille contribuent à ces objectifs, au risque de se voir accusé de "green" ou "social" washing.

La généralisation des fonds labellisés ISR mais aussi verts et solidaires est prévu en 2022. Cela laisse deux petites années pour peaufiner les méthodologies d’évaluation d’impact et standardiser les indicateurs… C’est court.

Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, directrice générale de Novethic

 

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