Publié le 25 novembre 2015

ENVIRONNEMENT

En Amazonie, Veja valorise le travail des extracteurs de caoutchouc sauvage pour lutter contre la déforestation

Pour survivre, les "seringueiros", les extracteurs de caoutchouc sauvage d’Amazonie brésilienne, coupent des hectares de forêt pour faire de l’élevage ou de l’agriculture. En les rémunérant mieux, la marque de basket Veja, soutenu par l’Etat brésilien de l’Acre, veut limiter ces pratiques. Reportage.

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Un seringueiro, dans la réserve de Chico Mendes, dans l'Acre, au Brésil.
Crédit: Aglaé de Chalus

La route de terre rouge découpe en deux la forêt amazonienne qui recouvre la communauté Assis Brasil située dans l’immense réserve Chico Mendes, dans l’Acre, un petit Etat de l’Amazonie brésilienne. De chaque côté de la route, de larges clairières surgissent. Elles ont été artificiellement créées pour faire paître les troupeaux clairsemés de bœufs. Au loin, un feu "maîtrisé" laisse apparaître une vaste zone déforestée où fument encore des troncs d’arbres calcinés.

 

Une déforestation de survie

 

Dans l’Acre, 13 % de la forêt amazonienne a déjà été détruite. Ici, les responsables de cette déforestation ne sont pas des criminels qui extraient illégalement de grandes quantités de bois mais les 40 000 familles qui peuplent la forêt et vivent principalement de l’extraction de caoutchouc sauvage ou de noix. Mais cette activité n’est pas suffisante pour survivre. Il leur faut souvent aussi pratiquer l’élevage et cultiver les sols. Et donc détruire des petites parcelles de forêt.

C’est le cas d’Erasme. Il est "seringueiro", un extracteur de caoutchouc sauvage. Il récolte le latex en ponctionnant la sève des hévéas, présents naturellement dans la forêt amazonienne. Une activité qui ne lui permet pas de vivre décemment. Autour de sa maison en bois qu’il vient de construire pour sa famille, il a donc "éclairci" la forêt pour pouvoir planter du riz, du mais et du "feijão", le haricot brésilien. Erasme élève aussi une vingtaine de bœufs, quelques porcs et de la volaille. L’Etat de l’Acre, qui cherche à contrôler la déforestation tout en prenant en compte les nécessités des habitants, l’autorise à déforester chaque année deux hectares, dans la limite de 10 % de son terrain. Erasme fait bien attention à respecter cette limite, car c’est une clause de son contrat avec Veja.

 

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Rémunérer le côté protecteur de la forêt des Seringueiros

 

La marque de basket éthique travaille avec les seringueiros d’Assis Brasil et deux autres communautés de seringueiros de l’Acre depuis huit ans. Elle a monté ici un partenariat avec le gouvernement de l’Etat de l’Acre, qui a financé la construction de petites unités de production individuelles pour les seringueiros. Ils ont appris à transformer le caoutchouc en de fines feuilles, un produit semi-fini qu’ils peuvent vendre plus cher à Veja. Les trente seringueiros d’Assis Brasil qui travaillent pour la marque vendent le kilo de feuilles de caoutchouc 11,50 réais (2,65 euros) quand un kilo de lait de caoutchouc non transformé vaut à peine 1,50 réais.

En valorisant ainsi leur travail avec une rémunération bien supérieure aux prix pratiqués dans la région, la PME française a deux objectifs : améliorer les conditions de vie des seringueiros, dans une logique de commerce équitable, et limiter la déforestation. Car surveiller et punir les activités des familles de la forêt est souvent inefficace, les zones à surveiller étant immenses et la déforestation très parsemée.

C'est aussi l'analyse de Bia Saldanha, militante écologiste qui travaille pour Veja dans l’Acre. "Il faut proposer aux seringueiros une alternative économique intéressante", comme le fait Veja, pour protéger efficacement la forêt, estime-t-elle. "En rémunérant en quelque sorte leur rôle de protecteur de la forêt, la marque rend viable leur activité". Selon elle, il faut "redonner de la valeur aux produits de la forêt en prenant en compte le fait qu’ils contiennent des ‘services associés’ de protection de l’environnement".

 

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Une responsabilité partagée

 

Depuis quelques années, c’est le chemin qu’a pris le gouvernement de l’Acre pour lutter contre la déforestation. Il subventionne par exemple le caoutchouc acheté par Veja à hauteur de 3 réais par kilo. L’Acre finance ainsi plusieurs projets grâce à une initiative innovante : en 2012, la banque de développement allemande, la KfW a déboursé 24 millions d’euros pour acheter des crédits carbones à l’Etat, qui utilise l’argent pour lutter contre la déforestation.

"Le Brésil n’est pas seul responsable de la protection de la forêt, il faut développer les crédits carbone pour que l’Acre puisse financer la lutte contre la déforestation", assure Bia Saldanha. Produits pharmaceutiques, cosmétiques, latex, pisciculture, noix du Brésil, fruits tropicaux… Les possibilités qu’offrent la biodiversité amazonienne sont immenses. L’Acre cherche donc à convaincre d’autres entreprises à suivre l’exemple de Veja, grâce à des subventions et des incitations fiscales. "Il faut que la forêt génère plus d’argent debout que détruite", résume Tiao Viana, le gouverneur de l’Acre, qui se rendra à la COP21 où il espère séduire de nouvelles entreprises.

Aglaé de Chalus, envoyée spéciale dans l’Acre (Brésil)
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