Publié le 08 novembre 2017
ENVIRONNEMENT
[Ces startups qui changent le monde] Moulinot recycle vos déchets alimentaires en compost
Elles sont jeunes et elles veulent changer le monde. Chaque jour, de nouvelles start-ups voient le jour en espérant améliorer notre façon de produire ou de consommer, en traçant mieux les matières premières utilisées, en misant sur l’écoconception ou l’innovation sociale. Chaque semaine, Novethic a décidé d’aller à la rencontre de l’une d’entre elles. Aujourd’hui, dans le cadre de la semaine de la Finance solidaire, nous vous présentons Moulinot, une entreprise qui recycle vos déchets alimentaires et qui a reçu mardi 7 novembre le prix de l’Innovation sociétale décerné par Finansol.

Moulinot
De l’assiette…à l’assiette. Chaque jour, Moulinot collecte en moyenne l’équivalent de 100 000 repas. Une quinzaine de camions roulant au gaz sillonne la capitale à la recherche de ces précieux déchets alimentaires. La moitié est envoyée dans la seule usine de méthanisation de la région à Étampes pour être transformée en biogaz. Tandis que le reste est dédié à fabriquer du compost "haute couture" vendu aux maraîchers locaux, qui fournissent à leur tour les restaurants franciliens en bons fruits et légumes. La boucle est ainsi bouclée.
À l’origine de ce concept, Stephan Martinez, issu d'une famille de restaurateurs depuis trois générations. Face au gâchis que représentent les biodéchets, il décide de se lancer dans l'aventure et devient le premier restaurateur à valoriser les déchets organiques avec des vers de terre dès 2007, selon un principe fort et simple : ce qui vient de la terre retourne à la terre.
Avec la loi Grenelle II, qui impose aux restaurateurs de trier et valoriser leurs biodéchets, il crée Moulinot Compost et Biogaz et démarre une expérience pilote en2014. 80 restaurants parisiens participent alors au projet. En un an, 560 tonnes de déchets sont collectés, trois fois plus que prévu, avec une très bonne qualité de tri. Dans cette lancée, Moulinot est choisi pour valoriser les déchets alimentaires de la COP21, en décembre 2015. Une vitrine extraordinaire et un tremplin pour la suite, qui continue de s’écrire aujourd’hui.
Une première en France
"Ces expériences ont été très positives et nous ont permis de valider nos process pour passer à la phase de commercialisation, nouer des partenariats durables et nous développer, confie Fabien Delory, directeur général de Moulinot. Cela nous a permis de lancer la filière. Et si au début, nos clients étaient surtout de petites structures, désormais nous travaillons aussi avec des grands groupes."
McDonald’s, Elior, Sodexho, Accor, Les Hôpitaux de Paris…autant d’entreprises qui s’en remettent à la jeune pousse pour valoriser leurs biodéchets. Moulinot les accompagne dans cette démarche. En plus de la collecte, elle réalise un audit sur place, forme les salariés,les sensibilise au tri et au gaspillage alimentaire à travers notamment un système de pesée et une facturation au poids. Tous les déchets alimentaires sont acceptés, viandes et poissons compris.
D’ici la fin de l’année, l’entreprise va commercialiser ses premiers composts issus des déchets alimentaires collectés. C’est une première en Ile-de-France. Et même une première en France pour ce compost à haute valeur ajoutée, précise le directeur général, avec "un affinage réalisé avec des vers de terre". Moulinot vient également de décrocher un appel d’offres avec le Syctom (Syndicat mixte central de traitement des ordures ménagères) pour collecter les biodéchets auprès des ménages dans un quartier de Romainville à titre expérimental.
Les banques classiques ne nous ont pas soutenus
La start-up compte désormais 350 points de collecte, 25 salariés, et embauche des personnes éloignées de l’emploi en insertion. Son chiffre d’affaires est multiplié par deux chaque année et devrait atteindre 1,5 million d’euros en 2017. "Nous n’en serions pas là sans le soutien de la finance solidaire, précise Fabien Delory. Les banques classiques ne nous ont pas suivies car nous avions des investissements de départ très lourds (camions, plateforme de compostage…). Nous sommes aussi ravis de travailler avec des investisseurs actifs auprès de nous et bienveillants, qui comprennent le temps du projet ainsi que les enjeux sociaux et environnementaux. Et surtout qui partagent nos valeurs !"
L’objectif est d’arriver à 50 salariés et 50 000 tonnes de biodéchets recyclés en 2020, contre 4 000 aujourd’hui. Mais si les établissements qui produisent plus de 10 tonnes de déchets alimentaires par an (plus de 150 couverts par jour) sont obligés de les valoriser - sous peine d’une amende de 75 000 euros et 2 ans d’emprisonnement – tous ne le font pas. "Pour les professionnels, il est moins cher de tout mettre dans la même poubelle, regrette Fabien Delory, il n’y a pas d’incitation fiscale à trier. Mais mon sentiment c’est qu’on ne fera plus marche arrière, conclut-il, et c’est quand même une grande victoire."
Concepcion Alvarez @conce1