Publié le 18 juillet 2023
ENVIRONNEMENT
ZFE : un nouveau rétropédalage au détriment de la santé
Les ZFE ont-elles du plomb dans l’aile ? Seules cinq agglomérations (Paris, Lyon, Aix-Marseille, Rouen et Strasbourg) auront désormais l’obligation de durcir les conditions de circulation liées aux "Zones à faible émission", au lieu des onze initialement prévues. Un rétropédalage pour éviter la crise sociale… mais pas sanitaire.

CC0-Sebleouf
Bien que l’État ait été condamné pour la première fois à indemniser deux familles, dont les enfants ont été malades après des pics de pollution à Paris, le gouvernement a décidé d’assouplir les restrictions de circulations liées aux ZFE. À savoir : les "Zones à faible émission", pierre angulaire de la politique antipollution de l’air du gouvernement.
Instaurées par les lois d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 et Climat et Résilience de 2021, les ZFE ont pour objectif principal de réduire progressivement la présence des véhicules les plus polluants dans certaines métropoles, définis en fonction de la vignette Crit’Air, avec des restrictions de circulation durcies au fil des années. Mises en place dans 11 grandes agglomérations, la loi prévoit de les généraliser dans 42 autres villes de plus de 150 000 habitants, d’ici à fin 2024.
Source : ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Mais les ZFE sont loin de faire l’unanimité. De nombreuses villes ont déjà reporté leur mise en place. La métropole du Grand Paris a quant à elle décidé de ralentir. La capitale, qui devait dès cet été interdire à la circulation les véhicules détenteurs des vignettes Crit’Air 3, a une nouvelle fois reporté sa mise en œuvre à après les Jeux Olympiques, soit à début 2025 contre 2022 prévu initialement. Côté politique, ça rechigne également. La droite appelle à son aménagement tandis que l’extrême-droite veut tout bonnement supprimer les ZFE.
Le gouvernement lâche du lest
Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, qui assure ne pas vouloir supprimer les ZFE, a décidé d'assouplir lundi 10 juillet les restrictions de circulations dans les agglomérations où les seuils de pollution ne sont pas dépassés. Ce qui réduit à seulement cinq le nombre de villes où les obligations doivent être durcies, conformément à la loi. Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg et Rouen devront interdire d’ici à janvier 2025 les véhicules classés Crit’Air 5, 4 et 3 dans les ZFE.
Le ministre de la Transition écologique se défend concernant l’assouplissement des "zones à faibles émissions". Seules cinq agglomérations ont l'obligation de poursuivre un durcissement des restrictions de circulation, là où les seuils de pollution sont dépassés. #le69inter pic.twitter.com/2MiC2fymHX
— France Inter (@franceinter) July 11, 2023
Pour les 37 agglomérations restantes, elles sont toujours sommées de mettre en place une ZFE d’ici à 2025 mais elles n’auront désormais qu’une seule obligation : bannir de la circulation les voitures immatriculées jusqu’au 31 décembre 1996 avant le 1er janvier 2025 (non classées). Et celles qui ont déjà mis en place une ZFE, à l'instar de Toulouse, Grenoble ou Nice, "n'ont plus aucune obligation de renforcer leurs restrictions actuelles étant donné qu'elles ne dépassent pas les seuils de pollution", justifie Christophe Béchu.
Un problème de justice sociale
"L’objectif n’est pas d’ennuyer les Français ni de faire des mesures anti-pauvres" a affirmé le ministre, qui souhaite désamorcer une potentielle "bombe sociale" et éviter un nouvel épisode des 'Gilets jaunes'. Pour le maire de Toulouse (divers droite), Jean-Luc Moudenc, coordinateur d'un rapport sur le sujet, il faut "allier transition écologique et justice sociale". Pour cela, il faudrait doubler les aides de l’État pour l’achat de véhicules moins polluants, ou en faciliter l’achat avec une extension de prêts à taux zéro. Des mesures d’"acceptabilité" sociale qui devraient être prise à l’automne, selon Christophe Béchu.
Un rétropédalage pour éviter la crise sociale… mais pas sanitaire. Il est en effet avéré que les ZFE ont des effets bénéfiques sur la santé des riverains. Dans une étude publiée début juillet dans The Lancet Public Health, des chercheurs de l’Imperial College London ont confirmé que les zones à faibles émissions, tout comme les zones de péages urbains (CCZ), ont un impact positif sur la santé, et ce, dans plusieurs villes du Royaume-Uni, d’Europe ou encore d’Asie. Ils ont particulièrement noté une baisse significative des maladies cardiovasculaires après la mise en place de ZFE, ainsi qu’une réduction des accidents de la route associée aux péages urbains.
Pour rappel, le Conseil d’État a condamné à deux reprises (2021 et 2022) le gouvernement français pour son incapacité à faire respecter les normes de niveaux de pollution dans les principales agglomérations. Une facture qui s’élève désormais à 30 millions d’euros. La pollution de l'air tue chaque année en France 40 000 personnes de façon prématurée.