Publié le 05 août 2021
ENVIRONNEMENT
Pollution de l’air : l'État est condamné à payer 10 millions d'euros, un record
Malgré les avertissements répétés du Conseil d'État, le gouvernement n'a pas réussi à abaisser les niveaux de pollution de l'air en dessous des normes sanitaires. L'État est donc condamné à payer 10 millions d'euros pour le premier semestre, une astreinte historique. Si, dans six mois, le compte n'est toujours pas bon, le Conseil d'État pourra à nouveau ordonner le paiement d'une astreinte.

Jacek Dylag on Unsplash
C’est une décision qui sonne comme un échec pour l’État alors que chaque année, entre 48 000 et 67 000 personnes décèdent prématurément en raison de la pollution de l’air en France. Dans une décision rendue le 4 août, le Conseil d’État a condamné la France à une astreinte financière historique de 10 millions d’euros. La plus haute juridiction administrative française a estimé que l’État n’avait pas été capable d’abaisser les niveaux de pollution de l’air en dessous des normes sanitaires. Cette décision fait suite à une longue procédure qui a débuté en juillet 2017.
À cette date, le Conseil d'État avait enjoint l'État de mettre en œuvre des plans de réduction des niveaux de particules PM10 (diamètre inférieur ou égal à 10 microns) et/ou de dioxyde d'azote (NO2, notamment associé au trafic routier) dans treize zones. Mais trois ans plus tard, en juillet 2020, malgré les feuilles de route adoptées, la justice constatait des valeurs toujours dépassées pour huit d'entre elles, et donnait six mois à l'État pour durcir ses mesures.
Réexamen début 2022
Fin janvier 2021, le Conseil d'État a lancé une analyse pour évaluer les nouvelles politiques, notamment la généralisation prévue des zones à faibles émissions limitant la circulation dans les grandes villes, mise en avant par l'État. Mais si les juges constatent bien une amélioration dans plusieurs des zones concernées, ils pointent du doigt un dépassement des seuils limites de pollution ou un retour "non consolidé" sous ces seuils dans cinq agglomérations pour le NO2 (Paris, Lyon, Marseille-Aix, Toulouse et Grenoble) et à Paris pour les PM10.
Concrètement, cette astreinte record de 10 millions d’euros concerne le premier semestre 2021. Le Conseil d'État réexaminera début 2022 les actions du gouvernement pour le second semestre et pourra "à nouveau ordonner le paiement d'une nouvelle astreinte de 10 millions d'euros, qui pourra éventuellement être majorée ou minorée", a précisé dans un communiqué la plus haute juridiction administrative française, de plus en plus active en matière environnementale.
"Une jurisprudence historique"
"Il s’agit d’une nouvelle jurisprudence historique. Le Conseil d’État donne encore raison à la société civile. La juridiction administrative suprême invente une solution originale pour maintenir la pression sur le Gouvernement tout en préservant les deniers publics", avance Louis Cofflard, porte-parole et avocat des Amis de la Terre, association à l’origine de l’action. Le Conseil d’État a décidé de ne verser qu’une faible partie de l’astreinte à l’association -100 000 euros- pour "éviter un enrichissement indu". L’institution a préféré verser la majorité de la somme à des organismes qui lutte contre la pollution atmosphérique et participent à l’amélioration de l’air.
L’Agence de transition écologique, l’Ademe, récolte ainsi 3,3 millions d’euros, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), 2,5 millions, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) 2 millions et l’Institut national de l’environnement industriels et des risques (Ineris), 1 million d’euros. Alors que certains requérants réclamaient la mise en place d'un fonds spécifique pouvant financer des projets dédiés à la lutte contre la pollution de l'air, les ONG s'inquiètent que l'État réduise ensuite d'autant le budget de ces organismes.
Cette condamnation fait suite à une autre décision "historique" du Conseil d'État, reflétant la multiplication des actions en justice à travers le monde pour demander aux États et aux entreprises à en faire plus pour protéger la planète. Le 1er juillet, les juges ont ainsi donné à l'État neuf mois pour prendre des mesures supplémentaires contre le réchauffement climatique. À l’issue de cette période, s'ils estiment que les mesures sont toujours insuffisantes, ils pourront là aussi imposer une astreinte financière.
Marina Fabre, @fabre_marina avec AFP