Publié le 24 mai 2023

ENVIRONNEMENT

Aéroports : les riverains rêvent de décroissance

S’ils avaient connu une accalmie durant le confinement, les riverains des aéroports français voient à nouveau leur quotidien rythmé par les avions qui survolent nuit et jour leur logement. Des nuisances qui ne devraient pas aller en s’atténuant, le trafic aérien repartant fortement à la hausse. Tous les regards se portent sur l’aéroport d’Amsterdam qui devrait interdire les vols de nuit d’ici deux ans.

Avion aeroport lille nuisances SAMEER AL DOUMY AFP
Plusieurs centaines de manifestants se sont donnés rendez-vous devant l'aéroport de Lille-Lesquin pour protester contre un projet d'extension.
SAMEER AL-DOUMY / AFP

"Climat, avions, il faut choisir", clamaient les pancartes des manifestants présents samedi 13 mai devant l'aéroport de Lille-Lesquin, contre le projet d'extension du site. Près de 400 personnes avaient répondu à l’appel de plusieurs associations dont Nada (Non à l'agrandissement de l'aéroport de Lille Lesquin), ANV-Cop21, Extinction Rebellion et les Amis de la Terre, réclamant un "plafonnement du nombre de vols" et un "couvre-feu nocturne". Le projet d'extension, qui inclut notamment l'agrandissement de l'aérogare et l'élargissement de la piste principale s'appuie sur un scénario de croissance du nombre de passagers passant de 2,2 millions en 2019 à 3,9 millions en 2039.

L'augmentation "effrénée" du trafic aérien "fait peser des menaces majeures sur nos vies", lançait alors Charlène Fleury, porte-parole de Nada. "La pollution de l'air est la troisième cause de mortalité" en France et "l'aviation commerciale contribue à hauteur de 7% aux émissions CO2" du pays, soulignait-t-elle, ajoutant par ailleurs que "le bruit est un problème de santé publique majeur" à l'origine de "troubles du sommeil, d'hypertension, de maladies cardiovasculaires". D’après une étude de l’Ademe publiée en 2021, son coût social est estimé à 6,1 milliards d'euros annuels.

10 millions de vols en 2023 en Europe

Des revendications portées par de plus en plus de collectifs alors que le trafic aérien européen reprend sa croissance, se rapprochant des niveaux historiques relevés en 2019. Il pourrait "atteindre 10,2 millions de vols en 2023, dont l’essentiel sur des trajets intra-européens et méditerranéens", selon un communiqué de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa). Dans ce contexte, plus de 70 associations et collectifs ont publié une tribune le 9 mai dernier sur Franceinfo. "Ne pouv[ant] plus tolérer que [la] santé, [le] bien-être et l'avenir de l'humanité fassent les frais d'activités qui profitent surtout aux plus privilégiés", ces derniers appellent à "mettre un coup d'arrêt à la croissance du trafic aérien", tout en accompagnant "la reconversion des travailleurs concernés".

"Il faut rentrer dans une aire de sobriété", appuie Chantal Beer-Demander, responsable du Collectif contre les nuisances aériennes de l'agglomération toulousaine (CCNAAT), signataire de la tribune. Rassemblant 22 associations de communes et quartiers survolés, il porte la voix de 100 000 personnes victimes des nuisances. "Notre but n’est pas de clouer les avions au sol de manière systématique, mais on a atteint les limites de ce qu’on pouvait faire sur une plateforme aussi urbanisée que Toulouse", explique Chantal Beer-Demander. Le CCNAAT demande un plafonnement des mouvements de jour, mais aussi une interdiction de l’utilisation nocturne de l’aéroport entre 23h30 et 6h.

L’aéroport d'Amsterdam ouvre la voie

"Les mois de fermeture des aéroports durant le confinement ont été pour nous une bénédiction. On a retrouvé une qualité d’environnement sonore que l’on n’avait plus depuis 50 ans. Le réveil a été rude", constate Chantal Beer-Demander. En 2022, l’aéroport de Toulouse-Blagnac a enregistré une croissance de 84% du nombre de passagers par rapport à 2021. Une reprise en trombe, entraînée pour près de la moitié par des compagnies low-cost. Les riverains redoutent en particulier la saison estivale 2023 où près de 3 900 vols de nuit sont programmés, soit une augmentation de 10% par rapport à 2018, pourtant "année record", alerte le collectif. 

Comme de nombreux collectifs, le CCNAAT prend en exemple les mesures annoncées il y a quelques semaines par l’aéroport d'Amsterdam-Schiphol. Pour réduire ses émissions de CO2 et les nuisances sonores, le site souhaite interdire les vols entre minuit et 6h du matin, ainsi que les jets privés d'ici 2025-2026. Une démarche radicale que les compagnies aériennes pourraient chercher à freiner. Début avril, le plan gouvernemental néerlandais prévoyant une limitation à 440 000 vols en 2023-2024 pour l’aéroport de Schiphol a été retoqué par la justice, suite à une plainte portée par KLM, Delta et EasyJet.

En France, la principale mesure permettant de limiter le trafic aérien concerne l’interdiction des vols intérieurs courts. Prévue par la loi Climat et résilience, la disposition vient d’être publiée au Journal officiel. Si elle concerne les trajets pouvant être effectués en train en moins de 2h30, ses multiples conditions d’applications restreignent fortement les vols concernés. Concrètement seules les liaisons Orly-Nantes, Orly-Lyon et Orly-Bordeaux seront suspendues.

Florine Morestin avec AFP


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