Publié le 04 avril 2023
ENVIRONNEMENT
Le Parlement européen propose d'inscrire l'écocide dans la loi
Le Parlement européen a adopté mercredi 29 mars une proposition de directive qui vise à reconnaître l'écocide dans le droit européen. Elle permettra au continent de condamner les crimes environnementaux, qui pour beaucoup d'entre eux, restent encore impunis. Si la proposition est adoptée en trilogue, l'Union européenne pourra peser sur la Cour pénale internationale pour qu'elle ajoute les crimes environnementaux aux crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes d’agression.

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C’est un grand pas vers la reconnaissance de l’écocide. Mercredi 29 mars, le Parlement européen a validé à l'unanimité une proposition de directive qui vise à inscrire l’écocide dans le droit européen et reconnaître les crimes contre l’environnement. "Il aura fallu plus de 50 ans de discussions internationales pour que le sujet de la reconnaissance de l’écocide, ces crimes les plus graves contre l’environnement, soit enfin sérieusement posé sur la table", se réjouit l'eurodéputée écologiste Marie Toussaint, fondatrice de l’Alliance internationale des parlementaires contre l’écocide. "Je ne m’y attendais pas du tout", reconnaît-elle auprès de Novethic.
Le texte adopté se base sur une définition considérée comme solide de l’écocide, telle que rédigée par le Panel International d’experts de la Fondation Stop Ecocide. Il caractérise ces crimes comme un "acte causant des dommages graves et étendus ou durables ou irréversibles sur l’environnement." Le Parlement souhaite en outre renforcer les sanctions prévues pour les crimes contre l’environnement (pouvant s’élever à 10% du chiffre d'affaires des entreprises) et étendre la compétence des États membres lorsqu'un crime a été commis hors de l’UE par une entreprise européenne. Enfin, il réclame aussi que les compétences du Parquet européen soient élargies pour y insérer la criminalité environnementale.
La Belgique a ouvert la voie
S'il s'agit d'une étape importante, le travail n’est pour autant pas terminé puisqu’il faut désormais obtenir un accord en trilogue et donc convaincre les États membres et la Commission européenne de soutenir cette proposition du Parlement européen. En 2020, la Commission avait proposé de réviser la Directive de 2008 sur la protection de l’environnement par le droit pénal, dans lequel l’écocide est mentionné, mais "sans faire l’objet d’une définition et de sanctions qui rendraient effective son inscription dans le droit européen", précise Marie Toussaint.
Du côté des États, la Belgique s’est clairement positionnée en inscrivant l’écocide dans son droit, tandis que des discussions sont engagées dans les parlements espagnol, hollandais, suédois ou encore irlandais. Le pays s’est également engagé à déposer un amendement à la Cour pénale internationale (CPI) pour réviser le statut de Rome et ajouter les atteintes graves à l’environnement aux crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes d’agression, soutenant ainsi un appel lancé par les Maldives et le Vanuatu. Les États membres de l’UE représentent 40% des États parties à la CPI. "Inscrire l’écocide dans le droit interne pourrait donc entraîner un déblocage pour condamner ce crime au niveau mondial", précise Marie Toussaint.
En France, la Convention Citoyenne pour le Climat, avait appelé à la reconnaissance du crime d’écocide. C'était l’une de ses propositions les plus importantes. Mais le texte final n'a gardé qu’un "délit" général de pollution, loin de l'esprit initial. Emmanuel Macron s’est engagé à plusieurs reprises à défendre le sujet aux niveaux européen et international, sans toutefois que ces promesses soient suivies d’actes. C'est donc le moment de montrer sa volonté. "L’avis du gouvernement français aura un poids important dans ces négociations institutionnelles. D’ailleurs, conformément à la loi climat et résilience issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, la France s'est engagée à mettre en place les actions nécessaires pour reconnaître le crime d’écocide au niveau international", rappelle l'association Notre affaire à tous dans un communiqué.
De nombreux crimes environnementaux impunis
En Europe, de nombreux crimes environnementaux restent encore impunis aujourd’hui car non compris dans le champ d’application de l'actuelle directive, note le Bureau européen de l’environnement (BEE), dans son rapport sur la lutte contre la criminalité environnementale en Europe de 2020. La pêche illégale de thon rouge, le trafic de déchets et leur exportation illégale vers les pays en développement, les pollutions agro-industrielles dans des espaces protégés, la contamination au chlordécone dans les Antilles, la fraude aux marchés carbone sont autant de crimes environnementaux et d’écocides qui ne sont pas traités comme tels.
Selon un rapport d’Interpol et du Programme des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE) de 2016, les atteintes à l’environnement dans le monde représentent entre 91 et 258 milliards de dollars par an. La criminalité environnementale est devenue la troisième activité la plus lucrative derrière le trafic de stupéfiants et la contrefaçon.