Publié le 20 juillet 2023
ENVIRONNEMENT
Algues vertes : la justice durcit le ton contre l'État et lui donne quatre mois pour agir
Algues vertes, Acte II. Cette fois, le tribunal administratif de Rennes exige du gouvernement des actions concrètes et immédiates. La préfecture devra renforcer son plan de lutte contre les algues vertes, aux émanations toxiques, qui prolifèrent à cause des modes d'agriculture et d'élevage intensifs. Les défenseurs de l'environnement comptent de plus en plus sur la justice pour faire entendre leurs revendications.

@Fred Tanneau / AFP
L'étau se resserre en Bretagne. Quatre mois, ni plus ni moins, c'est le délai donné à l'État par le tribunal administratif de Rennes pour renforcer la lutte contre les algues vertes qui empoisonnent une partie des côtes bretonnes depuis des décennies. Cette décision inédite a été rendue mardi 18 juillet à la suite de la saisine de l'association Eau et rivières de Bretagne.
C'est la première fois que l'État se voit imposer un délai contraint face aux algues vertes. Au cœur des discussions se trouve le 6ème programme d'action contre les algues vertes initié en 2018 par la préfecture du Finistère. Le tribunal avait déjà jugé le document insuffisant en 2021, mais les légères modifications apportées, surtout basées sur des mesures incitatives, n'ont pas convaincu. Cette-fois ci, le tribunal hausse le ton. Le document devra intégrer des "mesures d'application immédiate, contrôlées dans leur exécution, de limitation de la fertilisation azotée et de gestion adaptée des terres agricoles".
Un gaz potentiellement mortel
Présentes naturellement dans la mer, les algues vertes deviennent un problème quand elles prolifèrent sous l'effet des nitrates déversés en majorité par l'agriculture dans les rivières et l'océan. En plus d'asphyxier les rivières, ces algues deviennent dangereuses quand elles se décomposent car elles émettent du sulfure d'hydrogène (H2S), un gaz potentiellement mortel à forte dose. Les actions de militants pour dénoncer cette pollution son nombreuses. Le 10 juillet dernier, Greenpeace France a déversé une tonne d’algues vertes devant la préfecture du Finistère, à Quimper, pour dénoncer sa responsabilité.
"L'État prend acte de ce jugement et va apporter les réponses nécessaires, tout en poursuivant, à travers les différents dispositifs existants, son action de lutte contre les algues vertes, enjeu majeur en Bretagne", a réagi le préfet de Bretagne, Emmanuel Berthier dans un communiqué. Il indique toutefois que "les services de l'État examinent les conditions d'un éventuel appel de ce jugement".
Les associations environnementales se réjouissent de cette décision. "Un signal important" à l'État qui va devoir "passer à la vitesse supérieure", écrit dans un communiqué Eau et Rivières de Bretagne. Selon l'association, les actions de lutte contre les marées vertes "portées par les pouvoirs publics depuis plus de 10 ans, et basées sur le volontariat des exploitations agricoles (...), ont montré leurs limites. Elles sont nécessaires mais pas suffisantes". L'association s'inquiète notamment du fait que "les effectifs des services de l'État disponibles pour ces contrôles marquent une baisse régulière depuis des années".
Les décisions de justice contre l'État s'accumulent
Climat, biodiversité, pollution de l'air... Les décisions de justice contre l'État s'accumulent, nouveau levier d'action pour les défenseurs de l'environnement. Trois semaines auparavant, le tribunal de Rennes donnait déjà raison, sur un autre sujet, à l'association Eau et Rivières de Bretagne. Celle-ci reprochait à l'Agence Régionale de Santé, établissement de l'État, de s'appuyer sur des méthodes faussées de mesure de la qualité de l'eau. L'institution dispose de deux mois pour les améliorer.
"Nous nous sommes inspirés de la stratégie de 'L'affaire du siècle', qui a fait condamner l'État pour son inaction face au changement climatique. Nous avons saisi le juge d'exécution pour dire dès maintenant que la trajectoire n'est pas la bonne", a indiqué au Monde Arnaud Clugery, directeur d'Eau et rivières de Bretagne. Les contentieux contre l'État sont de plus en plus fréquents et font monter la pression sur l'inaction du gouvernement en matière environnementale. Les initiateurs de 'L'affaire du siècle' viennent ainsi de demander au juge de prononcer une astreinte financière d'1,1 milliard d'euros à l'État.
Dans l'affaire Grande-Synthe, le Conseil d'État a ordonné au gouvernement de prendre de nouvelles mesures pour le climat d'ici 2024. Et le premier procès contre l'État au sujet de la biodiversité a abouti sur une condamnation à réparer le préjudice écologique causé par l'usage des pesticides. Quant à la pollution de l'air, le Conseil d’État a condamné à deux reprises (2021 et 2022) le gouvernement français pour son incapacité à faire respecter les normes de niveaux de pollution dans les principales agglomérations.
Fanny Breuneval avec AFP