Publié le 01 mars 2023

ENVIRONNEMENT

Shein, Zara, Balenciaga... la seconde main, nouvel argument marketing de l'industrie textile

En difficulté suite à la crise sanitaire, de plus en plus de marques font le pari de la seconde main. Emmené depuis quelques années par des enseignes de milieu de gamme, comme La Redoute ou Etam, c’est maintenant au tour des grands acteurs de la fast fashion et du luxe de s’approprier ce marché. Un signal fort mais qui ne va pas forcément de paire avec davantage de circularité. 

Plateformes seconde main fast fashion zara shein istock
De nombreuses marques proposent aujourd'hui d'acheter ou de revendre des articles de seconde main via leur propres plateformes.
Istock

Friperies, plateformes en ligne spécialisées, "corners" dans les grandes surfaces… La seconde main est aujourd’hui partout. Face à une demande en forte progression, les marques multiplient les canaux de vente pour ne pas louper le coche. Si certaines enseignes comme Auchan ou le Printemps ont misé sur des stands directement présents dans leurs boutiques, de plus en plus de marques développent leur propres plateformes en ligne, entrant en concurrence directe avec les grands acteurs du secteur, tel que Vinted en Europe ou ThredUp aux Etats-Unis. Et la tendance n’est pas prête de s’arrêter.

De la fast-fashion au luxe, les annonces s’enchainent depuis quelques mois. A l’automne 2022, ce sont deux géants de la mode rapide, régulièrement critiqués pour leur conditions de production ou pour la composition de leurs articles, qui ont lancé leur sites de seconde main. En octobre dernier, le leader de l’ultra fast-fashion Shein a dévoilé Exchange, une offre qui se concentre pour l’instant sur le marché étasunien. Quelques semaines plus tard seulement, c’est Zara qui a créé la surprise avec Pre-owned, une plateforme en phase de test au Royaume-Uni. Un moyen pour ces enseignes largement implantées de s’approprier ce nouveau marché où les opportunités ne devraient pas manquer. 

S’approprier les revendications populaires

Zara est en effet la marque la plus représentée sur les plateformes "classiques" d’occasion, comme Depop ou Vestiaire Collective, avec plus de 670 000 annonces selon une étude conduite en 2022 par le site Savoo. Avec son portail dédié à la seconde main, Zara fait donc d’une pierre deux coups en élargissant son offre tout en affichant un "engagement à évoluer vers un modèle d'économie circulaire". Autre signal fort, du côté des griffes de luxe cette fois-ci, Balenciaga a également fait part en septembre 2022 du lancement de Re-sell, un programme de revente qui permet de vendre des vêtements issus des collections passées en échange d’un bon d’achat.

Si ces initiatives peuvent sembler aller dans le bon sens, elles ne convainquent pas les spécialistes du secteur. "Les marques ont l’habitude depuis le 19e siècle d’écouter les revendications populaires", nous explique Audrey Millet, docteure en histoire, chercheuse à l'université d'Oslo et autrice du Livre noir de la mode. La seconde main, plébiscitée pour son rôle dans la réduction du gaspillage textile, répond en partie aux nouvelles attentes des consommateurs soucieux de leur impact sur l’environnement. "Toutes les grandes entreprises ont bien compris cette nouvelle orientation", ajoute la chercheuse qui n’hésite pas à qualifier ces annonces de "greenwashing".

Un enjeu business face à la crise

Une position partagée par Elodie Juge, Docteure en sciences de gestion à l’université de Lille, interrogée par Novethic : "Cela leur permet de vendre encore plus, mais il n’y a pas toujours de réelle conviction écologique". Dès lors, la seconde main devient un argument marketing comme un autre, remettant en question ses bénéfices. D’autant plus que le modèle des portails de revente est aujourd’hui accusé de "pousser à l’hyper-consommation" note Elodie Juge. "Les gens se déculpabilisent d’acheter du neuf en se disant qu’ils pourront le revendre ensuite". Un élargissement de l'offre qui n'est pas sans conséquence. En s’emparant de ce marché, les grandes marques font gonfler les tarifs de la seconde main, "revendant du vieux pratiquement au prix du neuf", souligne Audrey Millet.

C’est donc davantage un enjeu business qu’écologique qui pousse les enseignes à développer leurs plateformes de revente, alors que le secteur de la mode accuse aujourd’hui les conséquences de la crise sanitaire. D’après les chiffres de l’Alliance du Commerce, les ventes de textile en ligne ont reculé de plus de 18 % au premier semestre 2022 par rapport à 2021, tandis que les commerces physiques ont encaissé 11% de fermeture en deux ans. En parallèle, la seconde main a triplé depuis 2020 et devrait croitre de 20 à 30% par an, selon une étude du Boston consulting group.

Florine Morestin


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