Publié le 22 février 2019
ENVIRONNEMENT
Stocamine : les atermoiements du gouvernement sur le stockage souterrain de déchets toxiques
Déstocker ou confiner ? Tel est le dilemme auquel est confronté l’État depuis maintenant seize ans avec le dossier "Stocamine". Il a coupé la poire en deux : le confinement va se poursuivre mais une étude sur le déstockage partiel va être lancée en parallèle. En jeu : 42 000 tonnes de déchets toxiques stockés à 500 mètres sous terre dans une ancienne mine de potasse de la commune alsacienne de Wittelsheim (Haut-Rhin), sous la plus grande nappe phréatique d’Europe.

@Stocamine
Il y a quelques jours, le gouvernement a annoncé le lancement d’une – énième – étude technique sur le projet Stocamine entraînant une multitude de réactions sur ce nouveau revirement. Le débat qui secoue la commune alsacienne de Wittelsheim (Haut-Rhin) depuis déjà 16 ans porte sur le confinement ou le déstockage des 42 000 tonnes de déchets toxiques contenant notamment de l'arsenic et de l'amiante enfouis à 500 mètres sous Terre, dans une ancienne mine de sel, sous la plus grande nappe phréatique d’Europe, depuis le début des années 2000.
Après un arrêté de 2017 autorisant le confinement, puis l'hypothèse d'un déstockage relancé par Nicolas Hulot, un an plus tard, le débat avait été tranché fin janvier. Ce sera le confinement, indiquait un document officiel, provoquant un tollé chez les élus locaux opposés à cette solution. Dans la foulée, François de Rugy, le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire les a rencontrés pour leur redire que … le confinement se poursuivrait, tout en respectant "les garanties les plus strictes en matière de protection de la nappe phréatique" (galerie de contournement, zone de drainage…).
Déstockage partiel
En revanche, pour apaiser les opposants, qui étaient 150 à s’être réunis le matin-même sur le site, le ministre n’a pas fermé la porte à un déstockage partiel sur une partie des déchets. Il a annoncé le lancement d'une étude de faisabilité technique et financière qui devra rendre ses conclusions dans un an au plus tard. Car il y a urgence, la mine est peu à peu en train de se refermer sur les déchets. Les opérations de déstockage devraient commencer au plus tard en 2022, selon le BRGM, si c'est cette option qui est retenue.
"C'est une bonne nouvelle puisqu'au début de la réunion, le ministre ne jurait que par le confinement. Au cours de la rencontre, il a proposé de lancer cette étude de façon totalement improvisée à mon avis. C'est pourquoi, dès le lendemain, j'ai demandé la mise en place d'une instance politique de pilotage du projet de déstockage partiel. Pour être réellement efficace, cette nouvelle étude doit être technique et financière, sinon ce sera encore un coup pour rien" a réagi Raphaël Schellenberger, député (LR) du Haut-Rhin et co-auteur d'un rapport parlementaire qui préconisait l'extraction des déchets, notamment les plus solubles.
Sur le terrain, ces revirements de situation permanents compliquent la donne. "Le confinement est la meilleure solution pour sécuriser la population et préserver la nappe. Mais nous sommes dans un nœud politique, nous prévoyons à tout moment la possibilité de tout arrêter, témoigne Céline Schumpp, liquidatrice amiable et secrétaire générale des Mines de Potasse d'Alsace (MDPA). Pour l'instant, on ne pourra pas couler de béton avant fin 2020, le temps de conclure l'appel d'offre public et de mener les différentes études." D'ici là, tout reste donc incertain...
Le déstockage plus risqué que le confinement
En fin d’année dernière, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), missionné par le ministère pour étudier la faisabilité d’un déstockage total, avait estimé que celui-ci était "encore techniquement possible". Toutefois "cette solution présenterait aujourd’hui des risques plus importants et plus graves que la poursuite du confinement, l’impact des déchets solubles, en cas de défaillance du confinement, n’étant que très limité compte tenu du volume de saumure contaminée susceptible de remonter localement (moins d’1m3/an), comparé au volume total de la nappe (35 milliards de m3)."
Le BRGM prônait ainsi comme solution alternative le déstockage partiel du site qui concernerait uniquement les déchets solubles. Ce type de déchets représentent 25 % des colis enfouis sous terre. Ouvert en 1999 et censé devenir le premier site de stockage de déchets ultimes en France, Stocamine n'a fonctionné que pendant près de quatre ans et a été stoppé après un incendie dans l’une des galeries, en 2002. Entre 2015 et 2017, une première extraction des déchets contenant du mercure a été réalisée. 93 % des déchets les plus toxiques avaient alors été extraits.
Concepcion Alvarez, @conce1