Publié le 31 mai 2023
ENVIRONNEMENT
Sécheresse : un projet de golf retoqué dans l’Hérault, symbole de l'urgence climatique
C'est un signe majeur dans l'adaptation au changement climatique. Dans l'Hérault, un luxueux projet de golf de dix-huit trous vient d'être retoqué par le préfet en raison de la sécheresse qui sévit dans la région. Face à la pression sur la ressource en eau, l'heure est aux choix.

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C’était le 9 septembre 2011. La préfecture de l’Hérault, dans le sud de la France, autorisait un projet composé d’un golf international de dix-huit trous accompagné d’un spa, de villas, d’un restaurant... à quelques kilomètres de Montpellier dans la commune de Montagnac. Mais une décennie plus tard, le réchauffement climatique est passé par là. Le projet - qui n’a pas encore démarré, retardé pour de multiples raisons -, vient de recevoir un avis défavorable de l’actuel préfet Hughes Moutouh. En cause, la sécheresse qui sévit dans la région.
"À l’heure où le réchauffement climatique conduit à des périodes de sécheresse durable et où la ressource en eau doit être préservée, tout projet de conception ancienne mérite d’être réinterrogé à l’aune des enjeux auxquels nous sommes confrontés", écrit le préfet dans un communiqué précisant qu’il "appartient à l’État de répondre aux besoins vitaux de la population (d’assurer l’alimentation continue en eau potable et de préserver l’irrigation des cultures) et de s’adapter à l’évolution des sujets de préoccupation". Au total, le projet aurait nécessité un prélèvement de 300 000 m3 d’eau par an, directement puisé dans le fleuve Hérault.
Déjà douze golfs dans le département
Au moment où la quasi-totalité du département a été placée en alerte ou alerte renforcée à la sécheresse, où les nappes souterraines peinent à se recharger, le luxueux projet de golf de Montagnac est ainsi percuté par la réalité climatique. "On a enregistré en avril des volumes d’eau dignes d’un mois d’août en pleine période de sécheresse. Depuis le début de l’année, on doit acheminer de l’eau dans 4 communes, 8 sont aujourd’hui en tension extrême et 50 sous tension", explique à Novethic Christophe Morgo, maire de Villeveyrac, commune proche du projet de golf retoqué. "On a déjà douze golfs dans le département, c’est sûrement suffisant", tranche l’élu, également Président de l’établissement public territorial de bassin (EPTB) du fleuve Hérault.
Les golfs constituent un symbole dans un contexte particulièrement tendu autour de la ressource en eau. Déjà l’année dernière, en pleine période de sécheresse, les dérogations accordées au secteur avaient provoqué une vive polémique en France. Si le golf n’était pas exempté de mesures de restriction, une dérogation permettait aux exploitants de continuer à arroser les greens, soit la zone d’herbe autour du trou. "Il est interdit de remplir les piscines, de laver sa voiture, d’arroser son potager mais les golfs, eux, doivent simplement réduire leur consommation", dénonçait alors le député France Insoumise Hendrik Davi.
Au total, selon un rapport du Sénat publié en 2002, la consommation d’un golf représente 36 millions de m3 par an, soit la consommation d’une ville comme Lyon. La Fédération française de golf évoquait plutôt en 2010 une consommation de 29 millions de mètres cubes d’eau. Une consommation qui reste non-négligeable.
"L'anticipation consiste à avoir le courage de gérer des restrictions"
Le sujet est en tout cas dans le viseur du dernier rapport d’inspection interministériel sur la sécheresse 2022. Publié en avril dernier, il pointe l’utilisation de l’eau par les golfs et recommande de réutiliser les eaux usées pour l’arrosage. "C’est une des solutions, il y a des moyens d’adaptation mais la réutilisation des eaux usées suppose d’avoir des stations d’épuration très proches", commente Christophe Morgo.
Derrière ce sujet, ce sont les modes de vie occidentaux et la société de loisirs qui sont remis en question par le changement climatique. Interdiction des ventes des piscines hors sol, interdiction de remplir sa piscine, de construire une maison… les contraintes se multiplient partout en France sous la pression du déficit en eau.
"Cet exemple illustre bien que souvent "l'anticipation" consiste à avoir le courage de gérer des restrictions plus tôt, plutôt que plus tard", commente sur Linkedin le Président du think tank The Shift Project Jean-Marc Jancovici à propos du projet de golf avorté. "D'aucun(e)s diront peut-être qu'il est liberticide de refuser un permis de construire. Certes. Mais la vie en collectivité suppose toujours que la liberté individuelle s'arrête là où commence celle des autres. C'est à ce titre que nous interdisons le tabac dans les locaux publics, les excès de vitesse - qui menacent la liberté des autres à rester en vie - ou les homicides".