Publié le 17 août 2023
ENVIRONNEMENT
Vivre à Paris sous 50°C : la rénovation énergétique est le "chantier du siècle" (3/5)
Cet été, Novethic enquête sur la façon dont Paris s'adapte à un scénario extrême. L'une des principales solutions passe par la rénovation énergétique des bâtiments. Autrefois tournée uniquement vers le confort d'hiver, ce chantier mené par la Ville intègre désormais le sujet des bouilloires d'été, considérant que c'est une urgence de santé publique, notamment dans les logements sociaux.

@Mairie du 17e arrondissement
Cet été, les chantiers dans Paris ont atteint "des volumes historiques" selon la Mairie. Jeux olympiques 2024, Grand Paris, prolongement de la ligne 14… mais savez-vous que le principal chantier de la capitale concerne la rénovation énergétique des bâtiments ? "Au moment où on se parle (10 juillet 2023, ndr), il y a 15 000 logements sociaux et 5 000 logements privés en rénovation. Ce n’est pas forcément connu des Parisiens, mais c’est le chantier du siècle", assure à Novethic Jacques Baudrier, adjoint au maire en charge de la construction publique et du suivi des chantiers.
Il faut dire que le défi s’annonce immense avec 1,4 million de logements, 21 millions de mètres carrés de bureaux et 5 millions de mètres carrés de bâtiments publics. "C’est en effet un chantier titanesque, mais la bonne nouvelle est que Paris a pris de l’avance à l’échelle française. Nous avons commencé en 2009 à rénover des logements sociaux à un rythme important, à la suite du premier vote du Plan Climat et nous sommes l’une des seules collectivités en France à être sur la bonne trajectoire", poursuit l’élu.
Objectif : rénover tous les logements sociaux et bâtiments publics d'ici 2050
A ce jour, 60 000 logements sociaux ont été rénovés sur un total de 250 000, à un rythme de 5 000 par an. D’ici 2050, l'ambition est de les avoir tous rénovés. En parallèle, la Ville insiste auprès des bailleurs sociaux pour poser des occultants. Une action qui permet de parer à l’urgence et de gagner déjà quelques précieux degrés. Tous les logements sociaux devraient en être équipés d’ici 5 à 10 ans, contre la moitié aujourd’hui.
Dans les bâtiments publics (écoles crèches, gymnases, bibliothèques, piscines…), le rythme actuel devrait aussi permettre de tout rénover d’ici 2050. Mais d'ores et déjà, toujours pour parer au plus urgent, 3 200 fenêtres vont être changées cet été et certains toits peints en blanc comme c’est le cas pour la crèche Louis-Blanc dans le 10e arrondissement. Entre 2024 et 2025, une quarantaine d'équipements publics prioritaires vont ainsi voir leurs toitures repeintes en blanc pour faire face aux fortes chaleurs le plus vite possible, et en attendant une rénovation plus importante. Cela permet une baisse allant jusqu'à 6°C dans les pièces situées sous les toits.
Le point noir concerne les bâtiments privés, sur lesquels la Ville a moins de prise bien qu’elle distribue des aides à la rénovation notamment pour les copropriétés avec Éco-rénovons. Elle entend aussi aider les copropriétés à se végétaliser avec "Copro-oasis", qui verse des aides pour débitumer les cours intérieures et valoriser les eaux de pluie. Au total, ce sont plus de 400 millions d’euros qui sont ainsi investis chaque année par la municipalité, dont 300 millions pour les logements sociaux.
Bras de fer avec les Architectes des bâtiments de France
Depuis 2015, le confort d’été est également davantage pris en compte dans la rénovation thermique des bâtiments en mettant l’accent sur les derniers étages et les combles. "C’est devenu une question de santé publique car cela concerne l’habitabilité des logements l’été", commente auprès de Novethic Dan Lert, l’adjoint au maire en charge de la transition écologique, du plan climat, de l'eau et de l'énergie. Notre mission est de protéger les plus vulnérables et les plus précaires, en première ligne du changement climatique".
Reste un point de blocage, la conformité de ces projets avec la vision des Architectes des bâtiments de France (ABF). Ainsi, la mission d’information et d’évaluation "Paris 50°C : préparer la ville aux méga-canicules", qui a rendu ses conclusions en avril dernier, appelait à "co-construire une doctrine avec les ABF concernant la rénovation des bâtiments, notamment pour permettre les isolations thermiques extérieures et la pose d’occultations par l’extérieur dès que cela est possible en compatibilité avec les enjeux patrimoniaux".
"Aujourd’hui, un tiers de nos projets sont freinés ou stoppés par les ABF alors qu’on devrait au contraire accélérer. Il ne s’agit pas de défigurer Paris, mais on reçoit encore des refus pour équiper des immeubles avec des volets ou pour repeindre en blanc certaines toitures. C’est une aberration", déplore Dan Lert. Les emblématiques toits en zinc des immeubles haussmanniens de la capitale ne seront peut-être bientôt qu’un lointain souvenir. "Il faut qu’on ait ce débat sur ce qu’on veut sauver, sur ce qu’on est prêts à abandonner", lance Alexandre Florentin, élu écologiste à Paris et président de la mission "Paris sous 50°C".