Publié le 17 novembre 2023
ENVIRONNEMENT
Neutralité carbone, plans de transition, Scope3 : l’infographie qui dresse le bilan des entreprises, à la veille de la COP28
Un élan inédit a gagné les entreprises au moment de l'adoption de l'Accord de Paris. Huit ans plus tard, c'est l'heure du bilan. Si la neutralité carbone est aujourd'hui revendiquée par beaucoup d'entre elles, elles sont en revanche peu nombreuses à prendre en compte l'ensemble de leurs émissions et à mettre en place des plans de transition crédibles. Le bilan de l'action climatique qui doit être adopté à la COP28 pourrait renforcer leurs obligations.

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L’Accord de Paris, adopté en 2015, a lancé une dynamique inédite au sein des entreprises sur la question climatique. C’est indéniable. Mais huit ans plus tard, alors que la COP28 de Dubaï, qui s’ouvre dans deux semaines, doit dresser le Bilan de l’action climatique (Global Stocktake), que peut-on retenir de l’engagement des acteurs privés ? À l’approche du sommet, de nombreux rapports ont été publiés contenant pléthore de données.
On peut ainsi citer les presque 16 000 entreprises engagées dans les différentes initiatives recensées par la Ccnucc, la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique, les 23 000 entreprises qui divulguent leurs informations environnementales auprès du CDP ou encore les 4 230 entreprises qui ont passé les fourches caudines de la Science based target initiative, avec des objectifs alignés avec le scénario 1,5°C. De quoi se réjouir alors ? Pas vraiment.
Risque de greenwashing
Si les initiatives ont le mérite d'exister et de créer une dynamique, elles se contentent "pour la plupart de lister leurs adhérents, leur date de création et leurs objectifs", déplorent le Réseau action climat (Rac) et la World benchmark alliance (WBA) dans un rapport sur les acteurs non-étatiques (ANE) publié mi-octobre. "Beaucoup ne rapportent pas (ou pas complètement) sur leur structure de gouvernance, ni sur leurs avancées vers l’atteinte des objectifs qu’elles affichent ou les activités qu’elles mènent chaque année", résument ses auteurs.
Parmi les reproches qui sont adressées plus spécifiquement aux entreprises, il y a le manque de prise en compte des émissions du Scope 3 (les émissions indirectes), qui contribuent pourtant le plus à l’impact carbone, le recours non encadré à la compensation carbone, et la mise en place d’objectifs sans stratégie à court et moyen terme ou plan de transition adéquats. Ainsi, seules 4% des plus grandes entreprises ayant un objectif de neutralité carbone sont réellement alignés avec les critères les plus exigeants de l'Onu, selon le Net zero tracker.
Qui plus est, l'élan post-COP21 semble s'essouffler. Selon le MSCI Net Zero Tracker, qui analyse près de 4 500 sociétés cotées basées dans le G20, leurs émissions directes de gaz à effet de serre vont augmenter de 11% en 2023. À ce rythme, elles devraient dépasser la limite d'émissions nécessaire pour maintenir la hausse de la température mondiale en dessous de 1,5°C d'ici avril 2026. Un récent rapport d’Influence Map déplore également le lobbying actif des entreprises. Selon ses calculs, 58% d'entre elles présentent un risque de greenwashing fort à modéré, en raison du décalage entre leurs engagements climatiques et leur manque de soutien aux politiques publiques favorables au climat.
Vers un cadre de redevabilité des acteurs non étatiques
Dès lors, les experts du Rac et de la WBA appellent la Ccnucc et les États à adopter "un nouvel état d’esprit qui implique d’obliger les entreprises à rendre des comptes sur la crédibilité de leurs plans de transition". Une petite révolution car à ce jour, il n’existe pas de mécanisme de redevabilité fiable pour suivre et contrôler les engagements pris par les acteurs non-étatiques en matière de climat. Tout repose sur le volontariat.
Les deux organisations proposent de s’appuyer sur le Bilan de l’action climatique (Globalstocktake) qui doit aboutir à la COP28. "Il pourrait donner mandat au secrétariat de la Ccnucc d’assurer ce suivi et de renforcer la redevabilité des ANE à travers la mise en œuvre du Cadre de redevabilité des acteurs climat non-étatiques à la Convention, lancé en juin 2023 et qui doit faire l’objet de discussions tout au long de l’année 2024", expliquent-elles.
Les équipes de la Ccnucc pourraient également former un groupe de champions d’ici 2025, avec des représentants d’initiatives et des acteurs individuels qui remontent déjà toutes leurs données et qui utilisent les critères les plus pertinents, basés sur le HLEG (High level expert group). Reste à voir si les États parviendront à s'accorder sur un tel processus alors qu'ils peinent déjà à tenir leurs propres engagements...