Publié le 11 mai 2022
ENVIRONNEMENT
Malgré un quinquennat marqué par plusieurs mesures symboliques, le virage vert n’a pas encore été pris
Obligé de rendre des comptes sur sa trajectoire climatique dans l'affaire de Grande-Synthe, le gouvernement vante son bilan et assure que les objectifs seront tenus. Mais de nombreux observateurs dressent un tout autre constat. Le dernier rapport annuel de l'Autorité environnementale est particulièrement cinglant et fustige "des modèles à bout de souffle".

CHRISTIAN HARTMANN POOL / AFP
"La France n’a jamais réduit aussi rapidement ses émissions de gaz à effet de serre (GES). Au global, le rythme de réduction des émissions a doublé depuis 2017 et les objectifs pris dans le cadre de l’Accord de Paris seront respectés". Voici la réponse du gouvernement au Conseil d’État dans l’affaire qui l'oppose à Grande-Synthe. En 2019, le maire écologiste de cette commune du Nord, Damien Carême, élu depuis député européen, avait saisi la plus haute juridiction administrative car il estimait que sa ville et la centrale nucléaire voisine de Gravelines étaient menacées par la hausse du niveau de la mer.
Dans ce premier procès climatique et dans une décision historique, le gouvernement a été condamné à "justifier que la trajectoire de réduction des émissions de GES à horizon 2030 pourra être respectée". Le Conseil d'État doit examiner la réponse de l'Exécutif mais sans attendre la décision des juges, Corinne Lepage, l’avocate des plaignants, l'a de nouveau saisi pour demander qu’une astreinte financière soit appliquée.
Doubler le rythme de réduction des émissions
Loi sur la fin des hydrocarbures en France, loi énergie-climat, loi mobilités, loi Agec sur le gaspillage et l’économie circulaire, Convention citoyenne pour le climat, Assises de la mobilité, États généraux de l’alimentation, mise à l’arrêt de Notre-Dame-des-Landes ou encore d’Europacity, création du Haut conseil pour le climat (HCC) et du Conseil de défense écologique (qui ne s’est pas réuni depuis un an) … si le quinquennat a été dense en matière environnementale, beaucoup estiment que la transition écologique n’a pas encore été amorcée, à commencer par le HCC lui-même.
"En raison du retard accumulé par la France, le rythme actuel de réduction annuelle devra pratiquement doubler, pour atteindre au moins 3 % dès 2021 (-13 Mt éqCO2) et 3,3 % en moyenne sur la période du troisième budget carbone (2024- 2028)" alerte l’instance. "Il est impossible de dire que le président est écologiste", commente également Simon Persico auprès de l’AFP, professeur à Sciences Po Grenoble. Emmanuel Macron "s'inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs avec des politiques environnementales très modérées", poursuit-il.
"Les mêmes programmes, les mêmes financements"
L’Autorité environnementale (AE), créée en 2009 et rattachée au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), est, elle aussi, très sévère. Dans son rapport annuel, publié la semaine dernière, elle constate "un écart préoccupant entre les objectifs fixés à moyen et long terme, les ambitions affichées pour les atteindre et les actes censés les traduire". "Alors que la crise sanitaire a révélé et aurait pu conduire à revoir des modèles à bout de souffle, les mêmes programmes, les mêmes financements, les mêmes projets qui auront, pour la plupart d’entre eux, des conséquences irréversibles sur une ou plusieurs dizaines d’années sont invariablement présentés" notent les auteurs.
"Que ce soit le plan stratégique national de la Politique agricole commune (PAC), ou le plan d’action nitrates, on n’a pas eu le sentiment qu’ils initiaient une vraie transition agroécologique. Sur le changement climatique, les dossiers sont peu ambitieux, la sobriété énergétique est le plus souvent absente, il y a peu de mesures de réduction de la vulnérabilité aux risques naturels ou de renforcement de la résilience et les scénarios les plus récents du Giec ne sont pas pris en compte. On ne note pas non plus de ralentissement des projets routiers avec des impacts sur la biodiversité et les zones humides. Enfin, sur le nucléaire, nous avons été surpris de découvrir le niveau de rejets chimiques des installations" énumère le président de l’AE, Philippe Ledenvic.
"Le climat est resté une variable d’ajustement dans les arbitrages" tranche le Réseau action pour le climat dans son bilan du premier quinquennat Macron. Dans un entre-deux tours où l’écologie a été au cœur des débats, le président réélu Emmanuel Macron a promis lors de son discours d’investiture de "léguer une planète plus vivable" aux générations futures.
Concepcion Alvarez @conce1